Pendant 15 ans, François-Xavier Seren a travaillé sur l’Aristocratie et la haute bourgeoisie française. Ces images, il les a réalisées pour Point de Vue, Vogue Homme, L’Eventail et Dynastie. Il présente ici son « Voyage à l’intérieur de la noblesse » :
« Je réagis à ce que me renvoie l’image du vécu, à l’instinct, Balzac en poche, comme Rubempré qui passait, désinvolte, du salon d’une duchesse à un repaire de canailles.
L’univers des mondains participe à la fois de la zoologie et du jeu de massacre. On a d’abord l’impression de se trouver au milieu de curieuses espèces effectuant cabrioles, pirouettes, volte-face et minauderies pour attirer l’attention de leurs semblables et les séduire. Puis on comprend rapidement qu’il s’agit d’un jeu strictement codifié, un échiquier où le faux-pas était fatal. J’étais libre de mes mouvements, simple observateur des stratégies, des ruses et des artifices. J’opérais comme un miroir sans tain, neutre en apparence, mais témoin quelquefois de la surprise du modèle devant le reflet de son image.
Vogue Homme, Dynastie, L’Eventail, et Point de Vue m’ont permis de poursuivre ces incursions dans la mondanité et d’aller au-delà du miroir. Un rapport de confiance s’est établi. Il m’a permis de découvrir un milieu que je ne connaissais pas, à réaliser des portraits, de véritables portraits de la « comédie humaine » comme je me les imaginais, adolescent, lorsque je dévorais Balzac, Maupassant et Flaubert.
Aujourd’hui encore, les aristocrates partagent une éthique de l’excellence. Ma position d’observateur privilégié a permis l’expression de ma vision de ce monde, du choix des meilleurs instants à fixer derrière mes objectifs. La rue est fugitive, éphémère. Chez l’aristocrate, au contraire, prévaut la durée, la continuité, souvent de façon excessive. Lui et les siens constituent une grande famille, un réseau où tout le monde se connaît, apparenté de près ou de loin, pratiquant les mêmes codes de reconnaissance où tout intrus est immédiatement repérable. Ils appartiennent à un monde ancestral de terriens. Il traduit un enracinement.
Pour l’aristocrate, la pérennité lui assure l’immortalité. Et l’apparence, codifiée, ritualisée, est le garant de sa survie, de son appartenance à l’élite, de son statut héréditaire d’élu de Dieu.
Mes portraits ne sont pas complaisants, c’est vrai. Ceux qui croient y déceler de la férocité se trompent. J’ai fixé l’expression d’hommes et de femmes tels que je les ai vus et appréciés, sans rechercher un quelconque esthétisme. Il reste que certains éprouvent quelque difficulté à recevoir le reflet de ce miroir sans indulgence, et pourtant… »
François-Xavier Seren