“Gentlemen’s Club” de François Prost a été présenté par la Galerie du Jour lors de Paris Photo, “After Party“ (projet à l’origine de la série “Gentlemen’s Club” qui compile des images de façades de discothèques en France) est exposé lors du festival Photaumnales au Quadrilatère à Beauvais jusqu’au 2 janvier 2022.
Préface du livre par Valérie Timmermans
Strip club, elite, fantasme, rêve,
Platinium, VIP, pleasures, Oasis,
Palmier rose, néon,
Boom, celebrate, taboo…
Adjectifs, qualificatifs, invitations.
Ces attracteurs qui jalonnent nos routes et que l’on croit réfléchis et inspirés visent un seul et unique objectif : vendre du rêve, nous inciter à sortir de notre zone de confort, quitter quelques instants un univers parfaitement normé et nous hasarder dans le domaine du vice et, peut-être, de la vertu. Que celui qui n’a jamais voulu, l’espace d’une soirée, être ce « bourgeois gentilhomme » osant pousser les portes du Platinium pour approcher avec envie des filles de joie se lève ou se taise à jamais !
Comment ne pas se laisser tenter par ces invitations à pénétrer, l’espace d’une soirée ou une nuit, ces lieux dits « de débauche », à rêver d’être celui ou celle qui fièrement ou avec quelque appréhension pénétrera dans ces « Gentlemen’s Club » pour devenir instantanément, l’objet de toutes les attentions, le flambeur sans peur et sans reproche et peut-être l’un de ces rois de la nuit. Le voyage que nous propose François se veut bien plus qu’un simple plaisir visuel, même s’il est sans doute déroutant. Ce « Gentlemen’s Club » est un billet pour une incursion dans une autre dimension, un univers parallèle qui nous donne la possibilité de toucher des yeux le monde de la nuit, cet univers intriguant, balisé par des acteurs à la sexualité souvent débridée mais jamais dénuée d’humanité et d’empathie.
Depuis les glorieuses années 1970 – celles qui, grâce à l’audace de William Jenkins, ont vu naître un courant qui transformera en profondeur l’histoire même de la photographie : les « New Topographics » –, les photographes n’ont eu de cesse de se laisser inspirer par l’évolution de l’architecture urbaine, toujours plus dense, toujours plus flamboyante. Toutes ces façades, ces constructions, empreintes d’une banalité souvent terne qui, sans avoir l’esthétisme d’un paysage féerique, d’une jolie femme ou du « moment magique », poussent le photographe à regarder par-delà ces décors en carton-pâte pour trouver ce qui provoquera ce frémissement, ce lâcher d’endorphine qui le poussera à s’arrêter de rouler pour les immortaliser.
On imagine François, chasseur d’images, attiré par le chant de ces sirènes suburbaines, sillonner les routes et découvrir dans des endroits souvent improbables les façades de ces lieux de perdition magnifiés dans leur écrin de béton, s’en émerveiller, les capturer, s’inventer une histoire puis continuer, alléché par la prochaine pépite à découvrir. Le road trip a cela d’exquis qu’il offre une sorte de voyage imaginaire constellé d’inattendu et d’émerveillement. Gardons-nous d’y voir une vision kitsch, emprunte de pathétisme ou de voyeurisme, il n’en est rien !
Il est temps à présent de vous approcher, braves gens, tendez l’oreille, approchez, vous finirez par entendre le tintement des coupes de champagne ou par renifler les volutes des cigares planant dans l’air, le temps suspendre son vol…
Pour les plus téméraires capables de traverser ces clichés, ceux-là pourront s’imprégner du parfum de ces hommes, de ces femmes, sentir la gomina dans les cheveux, deviner l’émoi, la fébrilité, la fierté ou le courage, l’oubli et peut-être repenser avec nostalgie à Charles Bukowski qui, dans son « Love poem to a stripper », pensait à ces moments hors de la réalité : « […] Je regardais les filles se déhancher et se déshabiller au Burbank et au Follies et c’était triste et très spectaculaire avec les lumières qui passaient du vert au violet au rose et la musique était forte et rythmée, et ce soir je suis là, à fumer et à écouter de la musique classique mais je me rappelle encore certains de leurs noms : Darlene, Candy, Jeanette et Rosalie. »
C’est à cet instant précis, au moment de passer cette porte des étoiles, que nous atteindrons l’endroit où François le photographe voulait nous emmener. Soyez les bienvenus, il y en aura pour tout le monde et pour tous les goûts. La photographie a ce pouvoir, chacun peut y prendre et y trouver ce qu’il veut, interpréter, se l’approprier, se transformer en Darlene, Candy ou en Rosalie : à chacun son destin.
Valérie Timmermans
Le livre “Gentlemen’s Club“ est disponible à la vente : https://www.fisheyemagazine.fr/store/produit/francois-prost-gentlemens-club/