Parmi les expositions commémorant les 10 ans de la guerre en Irak, celle de Franco Pagetti offre une temporalité décalée, une vision qui se déploie sur plusieurs années en suivant les différentes phases de l’histoire récente du pays.
Il arrive à Bagdad peu avant l’explosion du conflit, contraint dans ses mouvements par le régime mais loin de l’horreur et de la violence qui tuera comme toutes les guerres modernes plus de civils que de soldats et l’obligera à suivre le conflit sous la protection de l’armée américaine.
Il y retournera jusqu’en 2008, capturant au fil des mois les effets à long terme d’une opération inachevée, documentant l’intervention américaine dans cette guerre civile, les milices improvisées, les habitants en proie à une angoisse permanente, la lente reprise économique, les tensions entre sunnites et chiites, les pouvoirs religieux.
La sélection commence en 2003 avec une photographie de la capitale embrasée par des bombes irradiant le ciel nocturne d’un orange sanguin. Cette image monochrome que l’on dirait capturée à travers un filtre optique militaire pose les bases d’une réalité difficile à imaginer et offre une clé pour comprendre la démarche du photojournaliste : il ne cherche pas à voiler la situation par une approche dramatisante ou sensasionalisante ni à l’adoucir.
Certaines images s’imposent comme des symboles de la désolation, comme celle où une Jeep de l’armée débordant d’équipement est le seul élément intact de la scène. Le reste est un déluge de câbles entremêlés et pendant comme des lianes, lignes de télécommunication inactives ajoutant au chaos de cette jungle urbaine dévastée par les bombes. Ce désordre géométrique répond à celui des architectures effondrées que l’on distingue à travers la brume après une observation plus attentive de la photographie.
A coté de ces icônes, Franco Pagetti propose une documentation impartiale de l’intervention armée et des interactions entre soldats et civils, échanges de regards intenses révélant des émotions qui varient de la rage à l’épuisement en passant par la compassion et, souvent, l’incompréhension. On y perçoit quelques changements, perceptibles à quelques indices visuels subtils qui marquent le passage du temps. On y constate également une inquiétante répétition, et c’est là que se situe la véritable tragédie.
Laurence Cornet
Franco Pagetti : Flashback, Iraq
Commissaires associés Alice Gabriner et James Wellford
Du 19 mars au 12 avril 2013
VII Gallery
28, Jay Street
Brooklyn, NY
USA