Un objectif vissé sur un marteau en guise de logo : au clic supplée le boum, celui des images qui frappent autant que les sujets. Fractures Collective a été fondé il y a trois ans et réunit aujourd’hui quatre photographes documentaires basés à Barcelone, São Paulo et Caracas : Guillaume Darribau, William Sands, Anderson Barbosa, Oscar B. Castillo. Et, pour compléter l’équipe, Nora Meesen, comme responsable du développement, tous engagés dans une photographie politique et sociale.
Oscar B. Castillo, lauréat en 2014 de l’Emergency Fund de la Magnum Foundation pour son projet Our War, Our Pain, s’est immiscé dans les gangs de sa ville natale, Caracas la tumultueuse, qui culmine tragiquement parmi les villes les plus meurtrières du monde. L’inaltérable violence fait entre 50 et 100 morts par semaine dans les rues de la capitale vénézuélienne, et le nombre d’armes augmente au même rythme exponentiel pour atteindre entre 6 et 9 millions d’unités au niveau national. A l’échelle du pays, cela représente environ un quart de la population. La situation, les politologues internationaux la qualifient d’énigme ; les politiciens locaux, après des décennies de déni, commencent tout juste à la nommer. Oscar B. Castillo, lui, l’appelle malédiction et s’attache depuis trois ans à en montrer la complexité, la face fragile, loin de toute caricature évidente.
Autre sujet de crise humaine contemporaine, celle qui ravage la structure sociale d’un quartier nord de Barcelone, Ciutat Meridiana. Le crash économique des dernières années a transformé ce quartier populaire en ghetto. Abandonnés des autorités qui n’ouvrent les yeux que pour procéder a des expulsions forcées, les résidents peinent à lutter contre l’injustice sociale, contre le fantôme affamé des crédits impossibles à rembourser dans un pays où l’emploi est une denrée rare, contre l’aggravation de conditions de vie déjà précaires dans un environnement si humide que les enfants souffrent de problèmes pulmonaires quand ce n’est pas de faim. Seules les organisations de voisins tentent de défendre leurs droits, et seul Guillaume Darribau tente, avec ses images, de faire connaître leur détresse au-delà des hauteurs peu fréquentées de la ville.
Les deux autres acolytes du collectif sont du même calibre : William Sands a recu une bourse du Pulitzer Center for Crisis Reporting pour son projet en Guinée équatoriale, et Anderson Barbosa suit de plusieurs années au Brésil les acteurs du MSTC, le mouvement dit des sans-toits, qui se réclame de l’organisation populaire historique des sans-terre.