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Fotomuseum Westlicht : Paparazzi!

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Dans le film La Dolce Vita réalisé par Fellini en 1960, les cinéphiles ont en mémoire la scène d’arrivée d’Anita Ekberg à Rome dans le rôle d’une star américaine, assaillie à sa descente d’avion par une meute de photographes. L’un des personnages du film, Paparazzo, est un chasseur de stars sur la Via Veneto. Terme forgé par Fellini lui-même, les paparazzi sont des créatures hybrides : jeunes professionnels (ragazzi) de la photographie sensationnaliste et petits moustiques (pappataci) se nourrissant d’un sang lucratif, la trivialité quotidienne et scandaleuse des stars.

Le musée de la photographie Westlicht à Vienne, avec l’exposition PAPARAZZI!, retrace l’histoire, les méthodes et l’esthétique du « paparazzisme » des années 1950 aux années 2000 grâce à une collection rassemblant environ 120 photographies et documents. Dans la collection permanente de ce musée fondé en 2001 par Peter Coeln, le visiteur peut également contempler le premier appareil photo commercialisé au monde — le Daguerréotype des frères Susses.

La pratique paparazzi, souvent négligée dans les histoires canoniques de la photographie, s’épanouit dans les années 1950 entre Rome, Hollywood et Cannes. L’exposition conçue par le commissaire Fabian Knierim met en particulier l’accent sur le rôle pionner du photographe italien Tazio Secchiaroli et américain Ron Galella. Le photographe Weege, qui a documenté le sordide des faits divers new-yorkais à partir des années 1930, est également présenté comme un précurseur de ce genre à la croisée du photojournalisme et de la presse d’investigation.

Secchiaroli, connu pour avoir inspiré le personnage de Marcello dans La Dolce Vita, peut être considéré comme l’inventeur de la profession. Son gagne-pain : fabriquer du scandale pour la presse people. Au club Rugantino, lors d’une soirée réservée aux stars de la Cinecittà, l’actrice et jeune danseuse turque Aiché Nana entame un strip-tease. Le reportage réalisé par Secchiaroli, intitulé « la Turca Desnuda », est publié dans l’hebdomadaire l’Espresso en novembre 1958. Le scandale mettra un coup d’arrêt à la carrière de la jeune actrice… Au siècle suivant, l’alliance entre le flash et le tabloïd compromettra celle de Britney Spears.

Ron Gallela, le plus célèbre mais aussi le plus controversé des paparazzi, se fait connaître aux États-Unis dans les années 1960 et 1970. Ses clichés de Marlon Brando, Grace Jones et surtout Jacqueline Kennedy-Onassis ont été exposés dans les musées du monde entier. Son obsession pour la First Lady qu’il traque sans relâche lui vaut deux batailles judiciaires très médiatisées. Son geste photographique est à l’opposé des portraits glamours et composés des studios. La technique du vol d’image aboutit en effet à un répertoire de poses originales (visages dissimulés par les mains ou crispés par la surprise) et à un rendu (flash, cadrage à la sauvette, flou de mouvement) désormais caractéristiques de l’esthétique du genre.

Les paparazzi peuvent être divisés en deux catégories selon leur technique d’attaque. Les premiers, tapis dans l’ombre ou cachés derrière des buissons, tirent à longue distance grâce à leur téléobjectif. Les seconds, plus téméraires, confrontent leur victime de près pour la faire réagir. À Rome en 1960, Marcello Gepetti immortalise la star Anita Ekberg munie d’un arc et prête à décocher une flèche sur les deux paparazzis qui lui font face. À New York en 1996, Gallela saisit le coup de poing qu’inflige Sean Penn à un photographe. Cette stratégie de la provocation n’a rien d’un jeu innocent. Elle correspond à un calcul permettant d’obtenir des images-marchandises se vendant à haut prix !

Les codes et les stratégies de cette photographie ont néanmoins été détournés par les artistes contemporains. L’artiste britannique Alison Jackson construit de fausses photos de paparazzi — comme celle de Diana faisant un doigt d’honneur — pour interroger la fascination qu’exercent les célébrités. Elle explique son projet : « Ma photographie traite du voyeurisme du public, du pouvoir de séduction des images et de notre désir de les croire. Je travaille avec des sosies et des acteurs qui sont maquillés pour paraître réels, puis je les place dans des scènes que nous avons tous imaginées, mais que nous n’avons jamais vues. »

L’âge d’or du « papparazisme » semble être aujourd’hui révolu en raison du déclin de la presse people. L’exposition PAPARAZZI! nous rappelle toutefois que l’histoire de ces photographes détestés — incarne l’image du voleur-voyeur-violeur — est déterminante pour comprendre les mécanismes et l’évolution de l’industrie médiatique actuelle.

Martin Decouais

 

Paparazzi !
Jusqu’au 11 février 2024
Fotomuseum Westlicht
Westbahnstraße 40
1070 Vienne
www.westlicht.com

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