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FotoFocus, Une autre approche de la photographie documentaire

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La Biennale FotoFocus de cette année, une fête de la photographie qui dure un mois à Cincinnatti et dans sa région, est plus importante que jamais. Elle comprend des expositions sur plus de 60 sites. Le directeur artistique et commissaire de la Biennale, Kevin Moore, en a ajouté personnellement 8 de plus. Il est donc excusable que quelques-unes de ces milliers d’images ne correspondent pas tout à fait au thème de la Biennale, le «non-document». Il tente d’explorer « une autre approche de la photographie documentaire : des prétentions à un réalisme objectif à son potentiel imaginatif. Bien que certains des photographes de la Biennale, dont Bernd, Hilla Becher et Frank Gohlke, représentent l’aspect le plus clinique du documentaire. »

L’artiste sud-africaine et activiste Zanele Muholi a gagné une renommée mondiale pour Faces and Phases, une importante série de portraits des membres des communautés gay et transsexuelle de son pays. Mais c’est une série plus récente et plus personnelle, également montrée dans l’exposition Personae, organisée par Mooreau National Underground Freedom Railroad Center, qui soulève la question de la distorsion photographique. Cette série, Somnyama Ngonyama, est une série d’auto-portraits de Muholi. Mais en réalité, chaque portrait constitue une projection de l’artiste en tant que reflet de ceux qui la voient et de ceux qui l’ont formée. Dans une des images, Muholi porte un ensemble cousu main, pour évoquer sa mère, Bester, qui était une femme de ménage. Dans d’autres portraits, Muholi utilise des contrastes, des éclairages et des filtres pour obscurcir la tonalité de sa peau.

Tout près de la salle où expose Muholi, les visiteurs du National Underground Railroad Freedom Center peuvent voir August, une exposition de photographies de Jackie Nickerson sur les travailleurs agricoles africains. L’exposition comprend deux séries, Farm et Terrain. Dans la première série, les travailleurs des régions rurales d’Afrique du Sud font directement face à l’auteur. Nickerson « y subordonne son rôle en tant que photographe à l‘acte de présentation de soi de ses modèles ». Dans l’autre série, par contre, Nickerson intervient ouvertement. Dans ces photographies, les visages des travailleurs sont toujours masqués par leurs outils ou le fruit de leur récolte. Bien que la série capture également des personnes et des lieux réels, l’appareil de Nickerson, note Moore, prête aux hommes et aux femmes « une allure sculpturale, tout en attirant l’attention sur l’anonymat de leur travail via des métaphores. »

Peut-être plus que tout autre photographe de la biennale, Roe Ethridge bafoue ouvertement les conventions et les catégories photographiques traditionnelles. Dans Nearest Neighbor, les images d’Ethridge ont des intentions éditoriales, commerciales ou artistiques, mais sont réinterprétées. Une image comme « Louise with House » en est un bon exemple. Au départ, Ethridge a pris une photo de la modèle et photographe Louise Parker pour un magazine, puis il a découpé le fond et a replacé l’image de Louise devant une capture d’écran d’une maison de banlieue de Google street view. Le contraste entre le premier et l’arrière-plan crée un intervalle étrange, aussi difficile que fascinant pour le spectateur.

Si vous croyez maintenant que les photos qui déforment la réalité sont un phénomène nouveau, jetez un coup d’oeil à Picturing the West: Master-Works of XIXth-Century Landscape Photography au Taft Museum of Art, où sont exposées les premières photos qui « sont à la fois documentaire, artistique et promotionelle. » En effet, si des photographes comme Frank Jay Haynes et William Henry Jackson présentaient « les merveilles de la nature de manière scientifique et factuelle en apparence » note le texte de la biennale, « ils ont également construit une vision de l’Ouest américain comme territoire mûr pour le développement, l’exploitation, le tourisme et, dans certains cas, la préservation. »

Les photos non-reçues aux archives de la Farm Security Administration refont surface grâce à William E. Jones dans une vidéo, intitulée New Slideshow, qui fait partie de l’exposition au centre d’art contemporain de Cincinnati. Dans une époque où les outils de modification avec le numérique sont facilement accessibles et où les limites entre le commercial et la liberté personnelle sont de plus en plus floues, il est probable que l’avenir de la photographie réside dans le «non-document», plutôt que dans le document. Espérons que, dans les années à venir, la Biennale FotoFocus continuera à nous guider habilement à travers ces eaux complexes.

Jordan G. Teicher

Jordan G. Teicher est un journaliste et critique américain basé à Brooklyn, New York.

FotoFocus Biennial 2016
The Undocument
Jusqu’au 31 octobre, 2016
Cincinnati, Ohio
Etats-Unis

http://www.fotofocuscincinnati.org/

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