Plus de deux-cents artistes, vidéastes et photographes internationaux, trente expositions et une question centrale, comment représenter notre rapport à l’espace, naturel et social ? Cap sur la ville de Derby, pour la 8e édition du festival Format.
Vaste thématique, celle de l’“Habitat” se mesure à diverses échelles. Encapsulant à la fois notre quotidien et notre planète, la représentation de notre écosystème trahit de nombreuses ambivalences. Entre l’être humain et son environnement s’articule en effet une relation trouble, alternant admiration et capture, domesticité et préservation. Les œuvres exposées varient en sujets et techniques, allant de la photographie analogue à la réalité virtuelle. Le festival Habitat fait état de notre rapport contemporain à la nature et à l’urbanisme, paysages dont les contours incertains oscillent et craquent.
Les artistes sélectionnés, établis ou émergeants, s’exposent aux quatre coins de cette séduisante ville pavée. Parmi les nombreux trésors de Format, le visiteur a la chance de découvrir les maisons flottantes de l’artiste Laurent Chéhère. Exposées à Déda, ces images sont de véritables satires poétiques des classes sociales. Décrochées de leur socle, ces architectures décrépites s’envolent en un élan magistral. Les récents travaux de Sohrab Hura à l’espace Quad sont quant à eux l’ébauche d’une prophétie. Photographiés au cœur de la région la plus chaude d’Indes, les paysages et les corps brûlent. L’air sec, étouffant, annonce le destin probable de l’humanité.
Domination des êtres humains, nature en perdition et migration, sont au cœur des préoccupations de nombreux artistes, révélant une prise de conscience globale. Au Quad, Ester Vonplon photographie les couvertures thermiques des glaciers suisses. Au travers des plans rapprochés, ces derniers se font peaux malades, cassures et fragments. Une immense écorchure. Fugitifs et flous, les animaux photographiés par Lee Deigaard au Pearson sont réduits à des présences fantomatiques. Véritable chasse, ces photographies capturent et signent la perte de nos paysages naturels, la forêt et les champs.
La nature deviendrait-elle finalement une construction de l’être humain ? Coup de cœur : le travail de Stephanie Rushton, exposé au Pearson. A l’aide de plantes exotiques et de créations digitales, le naturel semble réduit, enfermé sous une coupole de verre. Utopique et cynique, le maintien de cette verdure artificielle se juxtapose aux parois fragilisées du bâtiment de l’exposition. Morcelée et délavée, l’enclave du bâtiment semble elle aussi soumise au déclin.
Au cœur des Midlands, Format est le plus grand festival photographique de Grande-Bretagne. Les lieux d’expositions choisis sont au cœur des institutions centrales de la ville de Derby. Le cinéma Quad, le bâtiment historique de l’ancienne école Parson, le centre artistique de danse Deda, mais aussi la Cathédrale et l’Université prennent part aux projets. Accrochées dans ces espaces, les œuvres dialoguent avec les matières et les contenus, un héritage, et la ville tout entière. Flâneur, le visiteur se promène d’un lieu à l’autre, prenant conscience de son rapport personnel à l’environnement et sa responsabilité.
Julie Bonzon
Julie Bonzon est doctorante en histoire de l’art au University College London (UCL), à Londres.
Format17 festival – Habitat
Du 24 mars au 23 avril 2017
Plusieurs lieux à
Derby, Grande-Bretagne
