FORMAT Festival, l’une des plus grandes manifestations à présenter des portfolios en Europe, se tient à Derby en Angleterre et accueille cette année plus de quarante-cinq critiques et pas moins d’une centaine d’artistes. Au cours de mes douze lectures, j’ai eu l’occasion de rencontrer des artistes au talent incroyable, à différents stades de leur carrière, et venus des quatre coins du monde : États-Unis, Hong Kong, Allemagne, Grèce, Écosse, Espagne, Taïwan, Australie, Angleterre… À la demande de L’Œil de la Photographie, je suis ravie de partager avec vous les découvertes qui ont particulièrement retenu mon attention.
Carlos Alba
Ce photographe espagnol actuellement basé à Londres a la passion des gens. Il crée des récits à partir d’objets trouvés. Pendant les revues FORMAT, il a présenté deux projets très différents. Le premier est sa série The Observation of Trifles (l’observation de petits riens), qui a rencontré un certain succès l’an passé dans le circuit des festivals. Il figurait à Circulations, Lodz et PhotoEspaña. Le projet est construit autour de “bricoles” jetées par les résidents du quartier d’adoption de Carol Alba dans l’Est londonien. L’artiste a ramassé ces choses et, se faisant archéologue des rues, a retracé leur origine pour retrouver les propriétaires des croquis, reçus froissés et autres objets cassés. Chaque fois il a photographié la personne, le lieu de la trouvaille et l’artefact. Son exploration a été une tâche méticuleuse qui s’est soldée par une exposition et un livre, avec le soutien de Xavier Fernández Fuentes.
Pour de plus amples renseignements sur Carlos Alba : http://www.carlosalba.com/web/index.html
Jessa Fairbrother
L’œuvre de la Britannique Jessa Fairbrother traite la photographie comme un objet qu’elle transforme avec brio avec du fil, une aiguille et des collages d’éléments naturels, afin de mettre en scène et de méditer sur ses sentiments les plus intimes. Le premier de ses deux projets montrés à Derby, Conversations with my mother (conversations avec ma mère), explore la relation de l’artiste avec sa mère, en parallèle avec son incapacité à devenir mère elle-même. Le fait de découper, peindre et recoudre les photos ensemble est très symbolique pour l’artiste, car au moment où sa mère était en train de succomber à un cancer, elle-même essayait en vain de tomber enceinte, et se sentait dépossédée de son rôle filial, et incapable de combler ce vide en endossant à son tour ce rôle de mère.
Pour de plus amples renseignements sur Jessa Fairbrother : http://www.jessafairbrother.com
Tom Hatton
Une chaise esseulée attendant que quelqu’un s’assoie, le vent s’engouffrant dans une bâche. Voilà les images du camp de réfugiés de Calais que Tom Hatton nous livre dans sa série Now Here (maintenant ici). Jeune diplômé du Royal College of Art de Londres, Hatton a ressenti le besoin de visiter la « jungle » avant son démantèlement, apportant sa contribution à un corpus déjà important consacré à ce sujet.
Pour de plus amples renseignements sur Tom Hatton : http://tom-hatton.co.uk
Sheng Wen-Lo
Ce photographe taïwanais explore les relations entre les humains, les animaux et l’économie dans la société contemporaine à travers des projets multimédias. White Bear (ours blanc) s’appuie sur un important travail de recherche : il a visité dix pays et vingt-sept différentes enceintes abritant des animaux, en Europe et en Chine, afin de se documenter sur les environnements construits pour mettre en scène ces grands favoris de l’Arctique. Pour Sheng Wen-Lo, ce projet traite de l’ours polaire, mais questionne aussi les pratiques zoologiques acceptées dans notre société, et l’influence des menaces écologiques réelles pesant sur certaines espèces par rapport à celle des gains économiques réalisés à travers la captivité animale.
Pour de plus amples renseignements sur Sheng Wen-Lo : https://www.shengwenlo.com
Alexandra Polina
Sélectionnée via l’appel à candidatures du FORMAT Festival, Alexandra Polina est une photographe originaire d’Ouzbékistan qui habite actuellement en Allemagne. Ses photographies très colorées associent des portraits et des natures mortes visant à soulever des questions sur l’intégration sociale, et les notions de race et d’origine dans l’Europe contemporaine. Le projet Myths, Masks and Subjects (mythes, masques et sujets) présenté dans l’espace Quad met en avant des citoyens allemands qui ne correspondent pas aux caractéristiques typiques du pays et se retrouvent par conséquent invariablement perçus par la société sous un voile ethnique. La série alterne de flamboyants drapés en tissus traditionnels, sur des meubles aisément reconnaissables (fauteuils et canapés) et des portraits de citoyens allemands.
Pour de plus amples renseignements sur Alexandra Polina : http://www.alexandrapolina.com
Holly Roussell Perret-Gentil
Holly Roussell Perret-Gentil est une curatrice indépendante, spécialisée dans la photographie et l’art contemporain asiatique.
