Palerme, à la vie à la mort
La Fondazione Merz met à l’honneur la capitale Sicilienne à travers le regard de cinq photographes de l’île : Enzo Sellerio, Letizia Battaglia, Franco Zecchin, Fabio Sgroi et Lia Pasqualino.
L’exposition Palermo, mon amour retrace l’histoire mouvementée de cette ville au sang chaud, des années 1950 jusqu’en 1992, période marquée par l’exode rural d’après-guerre, une forte pauvreté, ainsi qu’une intensification des violences de la mafia, dont l’assassinat des juges Giovanni Falcone et Paolo Borsellino est le point culminant.
La première salle est consacrée au doyen du groupe, Enzo Sellerio (1924-2012), une des grandes voix de la photographie documentaire italienne, qui a constitué pendant un demi-siècle un riche portrait de la Sicile. Ses clichés de la vie quotidienne palermitaine sont marqués par une grande élégance formelle et un goût pour les cocasseries de l’instant décisif. Une certaine critique sociale se dégage également de son travail, lui qui s’est attaché à dénoncer la forte pauvreté des populations insulaires, dans des images évoquant la photographie documentaire américaine des années 1930.
Plus loin, Letizia Battaglia (1935-2022) et Franco Zecchin (née en 1953) représentent plus frontalement la situation sociale délétère de la ville. Tandis que les familles s’entassent dans des appartements vétustes défilent des images de corps sans vie baignant dans des marres de sang, de familles en larmes accompagnant le cercueil d’un proche. Les deux photographes nous plongent également avec poésie dans le quotidien de la ville. Letizia Battaglia fait montre d’une fascination pour les regards, plus particulièrement des femmes et des jeunes filles, qu’elle prend sur le vif dans la rue ou les intérieurs. Franco Zecchin capture la beauté et l’énergie des célébrations folkloriques.
Le couple est très engagé pour le rayonnement de la photographie en Italie méridionale. En 1977, ils créent Il laboratorio d’If, le premier centre culturel pour la photographie de la région, offrant une formation aux photographes et reporters de Palerme. Letizia Battaglia et Franco Zecchin s’investissent également auprès des populations, notamment les patients de l’hôpital psychiatrique de Palerme pour qui ils organisent des ateliers photographiques.
Tout deux élèves de Battaglia et Zecchin, Fabio Sgroi (né en 1965) et Lia Pasqualino sont témoins de la volonté de renaissance de Palerme. Ils montrent une jeunesse en ébullition manifestant le jour et trouvant un exutoire nocturne dans le théâtre d’avant-garde ou les fêtes punks.
Une excellente scénographie fait dialoguer ces images, minutieusement sélectionnées par Valentina Greco et mises en en regard avec la presse de l’époque, révélant notamment l’engagement féministe de Letizia Battaglia. L’absence de cartels sur les murs donne l’impression d’un regard unique sur Palerme et encourage le visiteur à se plonger entièrement dans cette belle lettre d’amour visuelle à la capitale sicilienne.
Zoé Isle de Beauchaine