La Fondation HCB porte un nouveau regard sur l’œuvre du photographe américain Paul Strand (1890‑1976) à partir des collections de la Fundación MAPFRE, Madrid. Alors que Strand est souvent célébré comme étant pionnier de la straight photography (ou photographie directe), cette exposition revient également sur la dimension profondément politique de son travail.
« Les contraires se guérissent par les contraires » dit la formule. Paul Strand est l’héritier de deux grandes traditions photographiques souvent présentées comme antagonistes. Une tendance formaliste cherchant à démontrer que la photographie est un art. Une tendance sociale, l’envisageant davantage comme un outil documentaire au service d’un projet politique. Alfred Stieglitz et Lewis Hine, qui, dans l’histoire de la photographie, incarnent ces deux pôles, ont tous les deux été les mentors de Strand durant ses années de formation, ceci explique peut-être cela.
Même si, au milieu des années 1910, Strand photographie le visage du peuple dans les rues de New York, la première partie de son œuvre est particulièrement marquée par le formalisme.
Lorsqu’en 1917, Stieglitz lui consacre le dernier numéro de sa fameuse revue Camera Work, il s’agit surtout de démontrer que la photographie possède un langage artistique autonome. C’est à partir d’un séjour au Mexique (1932-1934), puis d’un voyage à Moscou (1935), que sa démarche se polities davantage. Il est membre de l’American Labor Party et travaille avec plus d’une vingtaine d’organisations qui, au moment du maccarthysme, seront classées comme « anti-américaines ». Ce qui le conduira à quitter les États-Unis et à venir s’installer en France. Beaucoup des choix de Strand sont déterminés par cette conscience politique : ses sujets, les lieux où il photographie, les écrivains avec lesquelles il travaille, mais aussi le choix du livre comme principal vecteur de diffusion de ses images.
Ces dernières décennies, nombre d’expositions consacrées à Strand se sont focalisées sur son approche formaliste. Sans aucunement minimiser cette dimension, le présent projet se propose de recontextualiser Strand en rappelant l’importance de son engagement politique. Entre recherche formelle et implication sociale, il s’agit bien ici de rééquilibrer les forces à l’œuvre dans sa pratique. Car si Strand est souvent présenté comme l’un des plus grands photographes du XXe siècle, c’est précisément parce qu’il a su admirablement proposer une synthèse entre ces deux polarités.
L’exposition présente près de 120 tirages issus des collections de la Fundación MAPFRE, Madrid, le film Manhatta réalisé par Paul Strand et Charles Sheeler en 1921 ainsi que quelques tirages prêtés par le Centre Pompidou.
COMMISSAIRE DE L’EXPOSITION
Clément Chéroux
BIOGRAPHIE
Né en 1890 à New York, Paul Strand intègre la New York Ethical Culture School (ECS) en 1907 où il suit le cours de Lewis Hine, qui lui fait découvrir la galerie de la Photo Secession, fondée par Alfred Stieglitz au 291 Fifth Avenue. Ce dernier exerce une influence importante sur le travail de Paul Strand dès ses débuts. En 1916, son travail sera publié pour la première fois dans la revue de Stieglitz, Camera Work, dont il est un lecteur assidu, puis exposé au 291 dans l’exposition Photographs from New York and Other Places. Pendant la guerre, Paul Strand travaille comme radiographe à l’hôpital et, après ses gros plans de machines, commence à s’intéresser à la technique chirurgicale. En 1919, il voyage en Nouvelle-Écosse au Canada où il photographie ses premiers paysages et amas de roches.
En 1921, Paul Strand réalise le film Manhatta avec le photographe et peintre Charles Sheeler. Entre 1925 et 1932, diverses expositions de son travail sont présentées dans des galeries new-yorkaises. Il part au Mexique de 1932 et 1934, séjour durant lequel une exposition personnelle lui est consacrée à la Sala de Arte à Mexico, il est nommé Chef du Film et de la Photographie au sein du Secrétariat de l’Éducation du Mexique et il réalise pour le gouvernement mexicain le film Les Révoltés d’Alvarado (Redes).
Paul Strand voyage en URSS en 1935 et y rencontre notamment Sergueï Eisenstein. Il rejoint alors séjour au Mexique (1932-1934), puis d’un voyage à Moscou (1935), que sa démarche se polities davantage. Il est membre de l’American Labor Party et travaille avec plus d’une vingtaine d’organisations qui, au moment du maccarthysme, seront classées comme « anti-américaines ». Ce qui le conduira à quitter les États-Unis et à venir s’installer en France. Beaucoup des choix de Strand sont déterminés par cette conscience politique : ses sujets, les lieux où il photographie, les écrivains avec lesquelles il travaille, mais aussi le choix du livre comme principal vecteur de diffusion de ses images.
Ces dernières décennies, nombre d’expositions consacrées à Strand se sont focalisées sur son approche formaliste. Sans aucunement minimiser cette dimension, le présent projet se propose de recontextualiser Strand en rappelant l’importance de son engagement politique. Entre recherche formelle et implication sociale, il s’agit bien ici de rééquilibrer les forces à l’œuvre dans sa pratique. Car si Strand est souvent présenté comme l’un des plus grands photographes du XXe siècle, c’est précisément parce qu’il a su admirablement proposer une synthèse entre ces deux polarités.
Paul Strand ou l’équilibre des forces
14 février – 23 avril 2023
Fondation HCB
79 Rue des Archives
75003 Paris, France
www.henricartierbresson.org