Une sélection, par Irène Attinger, d’ouvrages en vente à la librairie de la MEP, qui, en raison de leur originalité, de leur qualité éditoriale et/ou de l’importance de leur contenu, contribuent à l’image de l’édition photographique internationale.
• Mediodía – David Hornillos
Dalpine, Madrid, 2014
David Hornillos s’est intéressé à la gare madrilène d’Atocha, connue autrefois sous le nom de Mediodía (littéralement Midi), plaque tournante ferroviaire qui dessert le sud de la ville. De 2011 à 2014, il a passé son temps, à l’heure du déjeuner, à explorer les moindres recoins aux abords de ce lieu. Les scènes captées sont banales mais, sous son regard, mêlent intrigues et jeux d’association. Diverses présences se déclinent devant la brique orange des murs de la gare, véritable toile de fond de cette série. David Hornillos s’est appliqué à bouleverser les codes classiques de l’esthétique photographique, préférant les prises de vue déséquilibrées, faisant souvent apparaître ses sujets de dos ou de côté, jouant de l’absence de clarté et abandonnant le spectateur à sa propre imagination. Les cadrages et la disposition des images travaillent la répétition et sont habillés d’une multitude de diagonales qui déroutent inévitablement le regard. Dans Mediodía, malgré quelques signes identifiables, c’est le mystère des situations qui prime.
David Hornillos affirme : « Mediodía présente un monde enveloppé de briques orange, baigné dans une lumière vibrante qui prend au piège tous les êtres vivants comme une rafle. » Dominé par l’orange, son travail nous impose ce mur de briques, motif obsessionnel dans l’atmosphère d’un état mental étouffant et hypnotique.
• La Camara Afgana – Rodrigo Abd
KWY Ediciones. Lima, 2014
Durant son séjour à Kaboul pour l’agence Associated Press, le photographe argentin Rodrigo Abd a réalisé une série de portraits énigmatiques. En marchant dans la ville, il a rencontré des photographes de rue captant des images à l’aide d’immenses chambres artisanales en bois. Il leur a demandé de lui apprendre comment travailler avec l’une d’elles. L’utilisation de cette technique lui a permis une approche honnête de la société afghane. « J’ai commencé à me rendre compte que la technique elle-même créait une atmosphère très spéciale. Des regards fermes, des visages immobiles étaient obtenus. »
Il était moins plaisant pour le photographe d’avoir à différer ce travail personnel pour mener un travail alimentaire : tout laisser tomber tout à coup pour courir, avec son appareil photo numérique, couvrir le désastre causé par une voiture piégée. Ces changements radicaux lui ont fait comprendre que quelque chose était perdu dans la pratique du photojournalisme : le lien intime avec les Afghans. « Je suis arrivé en Afghanistan sans être musulman, sans parler la langue et il m’était difficile de me lier avec les gens. La chambre en bois m’a permis de me rapprocher, de vérifier ce qu’une personne ressentait sur l’invasion de sa terre par des troupes étrangères. J’ai pu entendre le quotidien à partir de la vision des hommes les plus humbles. »
• Small Things in Silence – Masao Yamamoto
RM Verlag, Barcelone, 2014
Small Things in Silence propose une vision de vingt ans de la carrière d’un des photographes japonais contemporains les plus importants. Les images semblent sans âge, pareilles à des photographies anonymes trouvées dans une brocante ou un grenier : images cornées, abîmées par le temps et les manipulations, fragments dispersés d’une mémoire, qui suscitent des résonances en chacun de nous. « Pour moi, les photographies sont avant tout des objets que l’on doit pouvoir toucher et manipuler. J’aime l’idée que mes images donnent la sensation de photos anonymes trouvées aux puces, qu’elles aient ce charme et ce mystère… et que chacun se les approprie, les découvre et invente sa propre histoire. » SmallThings in Silence inclut des images de chacun des travaux majeurs de Yamamoto : Box of Ku (une boîte de vide), Nakazora (terme bouddhiste que l’on peut traduire par entre la terre et le ciel, c’est-à-dire entre la vie et la mort, entre le rêve et la réalité, dans l’indécision du temps et de l’espace), Kawa (qui explore les mouvements rapides ou au contraire imperceptibles de la nature, le courant figé de la neige, le flux des herbes et des nuages, l’immobilité d’un oiseau) ainsi que des images de quelques-unes de ses installations photographiques originales.
• Night Walk – Ken Schles
Steidl, Göttingen (D), 2014
Vingt-cinq ans après la publication de son livre fondateur, Invisible City, Ken Schles revisite ses archives et crée le récit d’une jeunesse perdue : une promenade délirante dans l’air du soir d’East Village (New York) tel qu’il l’a perçu. Night Walk est une chronique intime du dernier avant-poste bohème de New York, une représentation consciente qui épluche les arrière-couches de misère noire pour trouver le frisson d’une vie parmi les décombres. Ici, Schles incarne le flâneur, « un connaisseur en empathie… », ainsi que Susan Sontag le définit. Frisant le voyeurisme, il découvre la ville comme un paysage d’extrême volupté.
Invisible City (édition originale 1988, réédité de manière fidèle par Steidl) capturait l’esprit du New York de l’époque comme Weegee et Klein l’avaient fait avant lui. Night Walk nous transporte le long des mêmes rues pendant la même ère passée, mais nous entraîne vers une nouvelle destination. L’image réelle de New York est rarement claire mais laisse une sensation tenace.
• Nationality Doubtful – Josef Koudelka
Art Institute of Chicago, 2014
Ce catalogue rétrospectif couvre plus de six décennies, des premières expériences photographiques aux travaux récents non publiés, de Josef Koudelka. Après la photographie de productions théâtrales à Prague et des camps de Roms à travers l’Europe, Josef Koudelka a risqué sa vie et sa carrière pour documenter l’invasion, en 1968, de la Tchécoslovaquie par les troupes du Pacte de Varsovie. Ses images de l’événement, passées en contrebande à l’Ouest et reproduites dans le monde entier, ont imposé son exil.
Josef Koudelka a voyagé partout en Europe pendant les années 1970 et 1980, campant lors de festivals de village du printemps à l’automne, et tirant ses images en hiver. Les photographies de ces décennies sont devenues la série Exils. Depuis la fin des années 1980, il a photographié des paysages panoramiques dans des territoires façonnés par l’industrie, les conflits territoriaux ou, pour le paysage méditerranéen, par la persistance de la civilisation classique.
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