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Festival de Photographie(s) MAP Toulouse : Nikos Aliagas par Jean-Jacques Ader

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La 15e édition du festival toulousain MAP, à la programmation toujours plurielle, présentera à la rentrée 2024 les images de Nikos Aliagas ; journaliste, animateur de télé et photographe. Rencontre en avant-première.

 

Le Spleen de Nikos – Entretien par Jean-Jacques Ader

Jean-Jacques Ader : Comment avez-vous été sensibilisé à l’image ?
Nikos Aliagas : Ma première émotion est arrivée quand j’étais enfant. Je suis né à Paris mais nous partions régulièrement en Grèce en vacances, au village de ma famille, et là, je vois des photos noir & blanc de mon grand-père, jeune et beau, alors qu’il était déjà âgé. Et là je comprends la temporalité, la perception du temps. J’ai aussi une prédisposition pour observer, sélectionner ce que je vois, comme dans un cadre. Plus tard, pour m’encourager, mon père m’offrira un Kodak Instamatic. Tout ce que j’ai fait le long de mon parcours c’est grâce à une mémoire photographique permanente.

Vous entrez ensuite dans le journalisme.
NA : Oui, j’ai ma carte de presse à 19 ans, je travaille à la radio, à la télé, je cadre aussi, en faisant mes interviews. Puis, une fois dans l’animation, j’hésite à continuer de passer derrière l’appareil. Mais au fil du temps je reprends la photo, je poste des images sur le net, je teste, je regarde. Ma préoccupation reste : d’où vient ce besoin de photographier ? Cette urgence ; voir une scène se dérouler sous mes yeux, trouver une lumière, le spectacle du monde.

Vous considérez-vous comme professionnel ?
NA : Si par professionnel vous entendez exigeant, alors oui j’ai une exigence. Le but n’est pas d’en vivre mais c’est un besoin d’exprimer quelque chose, de raconter. Il y a plein de chemins à prendre dans la photographie. Le minimalisme par exemple, que je ne comprenais pas. Dans beaucoup de domaines le débutant à tendance à en rajouter, mais on apprend beaucoup en regardant une image et en réalisant qu’avec presque rien il y a tout.

Vos images seront bientôt au festival MAP à Toulouse
NA : J’ai été contacté par Ulrich Lebeuf qui s’occupe de la programmation, et qui a trouvé mes images intéressantes, en en voyant plus, qu’il y avait un vrai travail. Alors pourquoi pas réfléchir à une sélection pour exposer, bref, il y a un dialogue qui s’est installé entre nous. Ensuite l’idée de faire des images ici, à Toulouse, en prévision du festival en septembre. Donc voilà, je prends des photos dans la rue, dans les marchés, au feeling. De l’humain, du contact. Ce sera en complément de mes autres images sélectionnées pour le MAP.

Votre travail est essentiellement en Noir et Blanc, dans une certaine tradition
NA : Bien sûr. Sabine Weiss, Koudelka, Salgado, ce sont des références essentielles. J’adore Édouard Boubat, c’est un grand photographe qui n’est pas assez reconnu. J’aime tout ces gens qui arrivent à capter des moments authentiques, car en photo, le faux ça se voit, c’est difficile à expliquer mais ça se voit quand c’est faux. Après, il n’y a pas de règles, quelqu’un comme Eugene Richards que j’admire, a passé des années avec les gens qu’il photographiait pour faire certaines séries. Le temps, donc, le temps est ma première inspiration. Et puis tout est mouvement, c’est la phrase d’Héraclite. Ce moment ne se reproduira pas ; l’eau du fleuve coule sans cesse mais jamais ne se répète.

Qu’est-ce qui vous a décidé à montrer votre travail ?
NA : C’est plutôt mon entourage qui m’y a incité, et les personnes qui connaissaient mes images qui m’ont poussé. Le fait d’être célèbre d’un côté me bloquait un peu bien sûr, ça peut être plus problématique qu’on le croit ; mais même si j’allais m’exposer et qu’on m’attendait, j’ai décidé que ce n’était pas si grave non plus.

Que vous-ont appris ces expériences ?
NA : Choisir. Qu’est-ce que c’est difficile de choisir pour un photographe… de trouver une raison de garder celle-ci et pas l’autre, à quel moment sais-tu que tu as quelque chose d’intéressant, ou pas ? Et intéressant pour qui ? C’est aussi les autres qui vont te le dire. Il faut du temps pour voir ce que l’on a à dire. On y revient, le temps est un allié pour y voir plus clair, et laisser le temps au gens de ressentir les choses. Prendre son temps, les grands photographes que j’admire ils ont mis des années à trouver leur voie. Maintenant je ne cherche pas la reconnaissance à tout prix, si j’arrive à raconter mon histoire déjà ce sera bien. Qui me fait confiance me suit.

La profusion de toutes ces images qui sont désormais sur les réseaux sociaux ça vous intéresse ?
NA : Au départ c’était très excitant bien sûr, mais en fait ce n’est pas ce que je recherche. Trop d’images tue l’image, la compilation n’a pas beaucoup d’intérêt. Le monde entier fait des images mais tout ça disparaît rapidement. Et pour toutes ces raisons, moi je préfère croire en la mémoire. La photographie c’est la mémoire, elle s’intéresse à la philosophie, à l’humanité et à la liberté. Je suis libre de partir photographier une gitane sourde et muette, qui vit sur la lagune de Missolonghi, et la mettre dans la lumière, parce que j’ai à apprendre et nous avons tous à apprendre des choses d’elle. Elle devient notre miroir. Je fais de la photo pour me souvenir, pour provoquer une émotion et raconter des histoires. Parmi les plus belles photos que j’ai faites, beaucoup sont celles que j’ai découvertes en chemin, alors que je partais pour autre chose. Par moment, il y a des accidents extraordinaires.

 

Festival photo MAP, dans le quartier Saint-Cyprien à Toulouse du 12 au 29 septembre 2024, en accès libre. Avec entre autre Robert Doisneau, Letizia Le Fur, Nikos Aliagas, Jérémy Saint-Peyre, Chloe Milos Azzopardi, Louise Desnos ; événement-création de Mouss & Hakim sur les images de Jean Dieuzaide.
Informations : https://map-photo.fr/

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