Fabio Bucciarelli s’est vu remis en deux jours deux prix parmi les plus prestigieux du photojournalisme mondial : le World Press Photo (2e prix dans la catégorie Spot News), dont la cérémonie se tenait à Amsterdam du 25 au 27 avril, et la médaille d’or du prix Robert Capa, remis a New York par le Overseas Press Club of America (OPC) le 24 avril. Il vient également de remporter la 3ème place du Sony World Photo Awards, catégorie « Current Affairs ».
L’un comme l’autre ont récompensé son courage dans la couverture de la guerre civile qui ravage la Syrie depuis bientôt trois ans. Dans un style frontal qui ne se satisfait pas des scènes de carnage visuellement sensationnelles que sont devenues les rues d’Alep, il documente les moyens dérisoires des opposants de Bashar Al-Assad et leur détermination inébranlable, héroïque. On y prend la démesure de l’horreur sans règles qui dégouline dans les rues, chairs tuméfiées et souillées du rouge d’une vie volée dans l’éclat d’un mortier, draps tendus a travers les immeubles comme des drapeaux en berne, massacre incessant sans autre motif que le refus d’une âme dérangée d’écouter les revendications démocratiques. Un homme dont l’appétit de pouvoir se résume a la violence, a l’envie immodérée de briser des cous, aléatoirement, dans une guerre disproportionnée aux camps incertains, davantage divagués que discernés. Le hasard règne, les obus explosent comme les balles d’un canon a la roulette russe, la population tente sa chance au quotidien, jusque dans la plus vitale activité de faire ses courses de première nécessité. Sa photographie d’une grand-mère traversant un carrefour mortel, résignée, sac de provision à la main, illustre la fragilité dérisoire d’une population qui, si elle croule sous le poids du carnage, refuse de s’incliner.
Le maitre de cérémonie déclarait à New York à propos du travail de Bucciarelli : « Les images de cette série vous plonge dans ‘le moment’ et se caractérisent par un sens palpable de l’urgence. Il y a une grande consistance dans ces images qui permettent au public de s’identifier au sujet et de ressentir les périls auxquels ils sont confrontés. La Syrie a été l’un des endroits les plus meurtriers pour les journalistes depuis le début du conflit armé et ce photographe incarne les valeurs qui définissent Capa Award. »
Dans une réponse touchante, le photographe a dédié ses récompenses à tous ceux qui continuent de se battre tandis que la communauté internationale et les médias s’épuisent d’un sujet sans fin et se réjouissait du regain d’intérêt que pourrait susciter ce prix. Il en a profité pour rendre hommage à ses collègues journalistes qui, comme lui, se battent pour rendre compte de ce qu’il se passe réellement dans un pays où des milliers de personnes meurent – déjà plus de 60 000, principalement des civils, en Syrie – et souffrent de la cruauté de la guerre. Il a principalement attiré l’attention du public sur la disparition de son ami et collègue Domenico Quirico, enlevé sur la route de Homs, en Syrie, et dont les dernières nouvelles datent du 9 avril. Lybie, Haiti, Soudan, Mali ne sont que quelques unes des destinations ou Fabio Bucciarelli s’est rendu dans les derniers mois, témoignant de son respect pour le monde qui l’entoure, aussi dévasté soit-il, et de sa curiosité pour l’homme, aussi dévastateur soit-il.
Laurence Cornet