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Exposition Camille Lévêque au CRP/ Hauts-de-France : interview de la directrice, Audrey Hoareau

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L’exposition TSAVT TANEM de l’artiste Camille Levêque est présentée au Centre régional de la Photographie Hauts-de-France à Douchy-les-Mines, premier rendez-vous de la programmation de la nouvelle directrice Audrey Hoareau qui a répondu aux questions de L’Œil de la Photographie.

 

1. Qu’est-ce qu’il vous a paru intéressant de montrer en invitant la photographe Camille Lévêque pour cette exposition ?

Le choix de Camille Lévêque réunit plusieurs envies. Celle de proposer une écriture photographique singulière, Camille est une artiste visuelle qui explore pleinement le médium en proposant de jouer sur des supports différents. Et puis c’est une démarche, presque une quête, qui résonne avec beaucoup de débats d’actualité. La construction de l’identité est au coeur de son travail. À partir de ses origines arméniennes, elle soulève des questions qu’on peut tous se poser, en particulier le jeune public. Ce n’est pas un projet sur l’Arménie mais sur la famille, l’héritage, la transmission, comment on se débat avec tout cela pour parvenir à savoir qui l’on est. Le rôle de l’image dans cette forme d’introspection est capital, il s’agit d’une confrontation entre l’image d’un pays fantasmé nourri par les récits familiaux et l’image que l’on se fabrique soi-même.

Cette exposition sera la première de ma programmation et c’est un signal, un engagement. Le CRP/ met à l’honneur une artiste française et produit l’intégralité de sa nouvelle série. Nous avons vraiment à coeur de soutenir et d’accompagner les artistes en produisant de nouvelles oeuvres.

 

2.  Son travail s’articule autour de la mémoire familiale, de l’identité et du pont entre les cultures. Est-ce que cette dimension intime vous a particulièrement touchée ?

C’est une récurrence dans son oeuvre qui fait preuve d’une grande cohérence. Par exemple, on travaille en parallèle de l’exposition avec Camille sur la publication de son prochain livre, le fruit de cinq années de travail sur la figure paternelle. In search of the father comme Tsavt Tanem compile des strates d’images aux statuts très variés. Ces deux séries ont aussi pour point commun de traiter des sujets fondamentaux autour des schémas familiaux et de la puissance des représentations. Selon moi, le pouvoir de certains artistes réside dans cette capacité à nous toucher au plus profond alors que leur oeuvre a pour point de départ la sphère privée ou une situation intime. L’écho produit m’impressionne.

 

3.  Née en 1985, Camille Lévêque est une photographe trentenaire et représentante d’une nouvelle forme d’écriture photographique, peut-être un peu plus ouverte aux questionnements intérieurs de la jeunesse et visiblement soucieuse de la complexité du monde, notamment de la place des femmes et du rôle du patriarcat dans l’histoire. Avez- vous particulièrement à cœur de présenter les travaux de cette génération au CRP/ ? 

Camille Lévêque a déjà bien avancé dans sa carrière. J’ai suivi son parcours et son évolution m’intéresse, mais je pense aussi soutenir des artistes émergents pour qui ce serait la première exposition, et, a contrario des photographes plus expérimentés. Au-delà de l’aspect générationnel, je suis davantage guidée par l’originalité des approches et le fond du propos. L’engagement, ce que l’artiste veut nous transmettre, c’est vraiment ce qui compte. Au CRP/ il y a tout un programme d’actions éducatives et culturelles que l’on bâtit en s’appuyant sur l’exposition, c’est aussi déterminant de garder ça en tête quand on construit la programmation.

La démarche de Camille fait sens aujourd’hui parce qu’elle remet effectivement en cause le poids du patriarcat entre autres. Nous avons besoin des artistes pour bousculer le vieux système, à nous de leur offrir le meilleur terrain d’expression.

 

4.  Plus globalement, quel type de photographies souhaitez-vous défendre au CRP/ ?

En mai nous présenterons une exposition collective qui présentera quatre artistes émergents chinois. Le CRP/ se définissant comme un lieu de découverte et d’expérimentation, c’est important de proposer des projets qui pourraient au premier abord nous sembler très éloigné, mais qui finalement nous ressemble. La scène photographique chinoise est audacieuse et cette proposition rassemblera des projets d’une grande qualité, traitant de sujets sensibles. À l’automne nous fêterons les quarante ans du CRP/. Cet anniversaire sera l’occasion de valoriser la collection et de raconter notre histoire. Ce sont les artistes qui ont fait du centre ce qu’il est. Nous leur rendrons hommage à travers une exposition multisite. Enfin l’année se clôturera par une reprise de l’exposition actuellement visible au Centquatre-Paris, Tout doit disparaître, À partir de la collection de photographies vernaculaires de Jean-Marie Donat. On y parle de la société de consommation, de notre système fondé sur la marchandise .

En traversant rapidement l’année 2022, on peut sentir combien la photographie que l’on défend est plurielle. Au CRP/ nos axes de recherches s’orientent particulièrement autour du rôle politique de la photographie au sens large et de la remise en question de notre rapport à l’image.

 

5.  Quels sont les autres projets envisagés pour le lieu ?

Plusieurs grands chantiers sont en cours. Un travail de fond sur les collections avec notamment un projet de publication. Pour la première fois, réfléchir à un objet éditorial qui ferait date et référence. Et surtout le projet de l’extension du CRP/ ! En s’agrandissant (on parle à ce stade de tripler notre superficie), les ambitions du centre pour l’avenir sont à réévaluer.

Interview par Jean-Baptiste Gauvin

 

TSAVT TANEM

15 janvier – 24 avril 2022

CRP / Hauts-de-France

Pl. des Nations, 59282 Douchy-les-Mines

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