Blind Date de Lieko Shiga commence par un regard ; photographiée en noir et blanc, cadrée au niveau du buste, de nuit et de côté, une jeune fille s’appuie, voutée, sur le dos d’un jeune homme posé devant elle. Le flash rebondit sur les rondeurs de ses traits, et alors que le garçon regarde droit devant lui et n’offre pas son visage à l’image, la fille dévisage l’objectif. Le sentiment d’un mouvement qui les emporte est palpable.
Les images de couples différents s’enchainent, toutes sur le même schéma. La distance et l’angle, la lumière, varient légèrement de l’une à l’autre ; comme l’algue résistant au courant, Shiga se laisse porter par le flot mais fixe son attention sur la même scène répétée inlassablement. Peu importe son idée – on sait que c’est à l’été 2009 qu’elle a photographié ces couples au volant de motos dans les rues de Bangkok, en Thaïlande – dans ces images réside une théorie de la sensualité en photographie : celle qui se tisse entre le regardeur et un sujet attiré vers l’extérieur, s’extrayant une seconde de son contexte pour établir un contact abandonné, intime, avec un autre monde.
Comme il a été dit de la marche à pied, dans laquelle on accélère pour oublier et on ralentit pour se souvenir, ici on est doublé puis on dépasse, et dans le roulis propagé au fil des pages on est bercé soi-même jusqu’à se demander non plus ce que l’on sait de ces personnages aussitôt évanouis, mais ce qu’elles, si étrangement confiantes, intérieures, pénétrantes, peuvent bien savoir de nous – faisant de Blind Date, comme le sont toutes les images remarquables, une fenêtre autant qu’un miroir.
Informations
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5-9-8 Nakanobu, Shinagawa, Tokyo 1420053 Japan
12 décembre 2017 au 12 janvier 2018