La Galerie &CO119 est heureuse de présenter les œuvres d’un des plus grands noms de la photographie japonaise, Shoji Ueda (1913-2000).
Se revendiquant tout au long de sa vie comme « un simple amateur » de photographie, ce passionné (Je ne pense qu’aux photographies, même en dormant et en me réveillant, avait-il l’habitude de dire), passa sa vie dans sa région natale, dans la préfecture de Tottori, dont les dunes de sables ont inspiré ses séries les plus célèbres – tant et si bien que ces dunes sont aujourd’hui devenues un symbole de ce maître de la composition.
C’est une exposition au Festival de la Photographie à Arles en 1978 qui le révélera non seulement à l’étranger, mais également au Japon, où il était encore largement méconnu.
Son style photographique reconnaissable entre tous, parfaitement et librement mis en scène, frôlant avec le sur- réalisme, détonnait alors dans le paysage photographique japonais, où réalisme et documentaire étaient à la mode. Un terme fut d’ailleurs inventé pour caractériser sa photographie : le Ueda-cho (le « Style Ueda »).
Car il s’agit bien de composition et de la construction d’un univers visuel bien à part dont on parle lorsque l’on décrit les images de Shoji Ueda. Le photographe, créant un monde graphique, poétique, surréaliste et fantaisiste, met en scène ses mannequins, les objets qu’il photographie, sa femme et ses enfants de la même manière, avec humour et bienveillance, semblant jouer avec les choses et les êtres comme un enfant le ferait avec des figurines. Leur inventant tout un monde fait de dunes, de nuages cotonneux, d’herbes hautes peuplées de créatures masquées, faisant de toutes barrières de contextes et de temps, le maître donne à tout ce qui croise son chemin et pose devant son objectif une place dans son monde : celui de Shoji Ueda.
Sa propre histoire, assez originale pour l’époque, nous donne des indices sur les racines de son originalité.
Bien qu’élevé dans une petite ville de province sur la mer du Japon, Ueda jouit dès son enfance d’une ouverture sur le monde grâce à des parents qui lui offrent des livres et des magazines étrangers, et une nourrice ayant émigrée aux États-Unis qui lui fait parvenir des colis. Ce sont encore ses parents qui l’encouragent à poursuivre la photographie plutôt que la peinture, et lui offrent son premier appareil photo, importé d’Allemagne, à ses 16 ans.
En 1932, le photographe installe son studio dans la rue principale de sa ville natale, Sakaiminato, où bon nombre d’Américains des bases militaires environnantes viennent se divertir. De nature curieuse, Ueda s’intéresse à la modernité et est constamment à l’affût de nouveautés et d’innovations. Il renouvelle d’ailleurs régulièrement son matériel photographique et est l’un des premiers du village à se déplacer en scooter et à avoir une caméra 8mm.
La région reculée et montagneuse où Ueda est né et a travaillé toute sa vie durant, riche en mythes et en divinités, est aussi d’une influence majeure pour son travail. Il laisse souvent à sa femme le soin de s’occuper des clients du studio photo pour explorer les environs et aller à la recherche de ses prochaines images. Ueda fait, ce faisant, tout naturellement cohabiter les mondes du réel et de l’imaginaire qui l’entourent. Les enfants et les esprits se fondent et se confondent, devant l’objectif ou dans la chambre noire où le photographe expérimente, coupe et assemble ses images. Son entourage proche et sa famille, tout particulièrement sa femme et ses enfants, est aussi très impliqué dans son processus créatif. Ils participent régulièrement aux mises en scènes imaginées par Ueda, qui se glisse lui-même parfois dans ses tableaux, comme pour rappeler avec humour qu’il est ici autant créateur qu’acteur. S’il l’imagine, il vit avant tout ce monde qu’il a construit.
La mort de sa femme en 1983 marque cependant un tournant dans son œuvre. N’arrivant plus à photographier avec la légèreté qui le caractérisait, son fils lui propose, en guise de thérapie, une série de collaborations avec des marques de mode japonaises, dont Takeo Kikuchi. On retrouve dans ces nouvelles séries le même esprit de com- position, le même humour qu’il pousse parfois à l’extrême, les références au surréalisme… mais avec une nouvelle distance. La photographie devient un travail et s’éloigne du jeu. Ces images, résolument novatrices, révolutionnent l’image de mode, et restent encore aujourd’hui un modèle de modernité et d’audace.
Et c’est bien cette recherche de modernité, soutenue par une curiosité in nie, cette envie de faire cohabiter l’ancien avec le nouveau et le surnaturel avec le réel, qui ont permis à Ueda de persévérer dans l’invention de son propre langage, de le faire évoluer.
C’est cette modernité encore qui reste aujourd’hui, vingt ans après son décès, la signature de ce photographe à part, hors du temps, dont les images semblent autant appartenir à hier qu’à demain.
Nous remercions Yutaka Masutani, son petit-fils, grâce à qui nous pouvons aujourd’hui présenter un aperçu de cet univers si singulier à travers des images pour certaines iconiques, issues de plusieurs séries et de plusieurs époques.
Vernissage: 21.03.19, 18:00-21:00 – En présence de Yutaka Masutani, petit-fils de Shoji Ueda.
Horaires d’ouverture: mercredi-samedi, 12:00-19:00
Pour plus d’informations: https://8co119.co/
Informations
Galerie &co119
119 rue Vieille du Temple, 75003 Paris, France
21 mars 2019 au 17 mai 2019