L’être humain est lourd, terriblement, voilà bien son drama.
Lorsque l’on est artiste, poète, compositeur de félicités, il est possible de s’alléger par la grâce du style. Alain Laboile est de ceux-ci, dont l’apesanteur est à la fois une recherche, une éthique et une nostalgie. Quand le quotidien est infernal, et que l’asphyxie gagne les poumons, les muscles, les yeux, il convient de prendre de la hauteur, de se laisser aspirer pour mieux respirer. Il y a dans son travail comme un souvenir de l’extase prénatale, d’avant la césure de la mise au monde, des premiers vagissements, et des paroles trompeuses, comme si tout flottait dans une sorte de liquide amniotique ayant l’entièreté des dimensions de l’espace. Tout en ces territoires de paix est donc sphère et prière spontanée, verticalité et élargissement, chute ascensionnelle, envol, dispersion d’être dans les nuées. Les personnages d’Alain Laboile sont des enfants sauvages ayant accompli la nature de leur désir dans un accord plein avec les arbres, les eaux, les ciels. Le rêve est ici d’une communion première d’avec la vie qui toujours fuit, qui toujours reste, dans des rites d’appropriation dont le photographe est le grand ordonnateur. Les modèles sont des enfants qui jouent, sautent, ou plongent. Ce sont des déités. La volupté des images que construit l’artiste inspiré procède de la liberté des corps qu’il met en scène, nageant avec grâce dans des milieux qui les accueillent totalement, épousant des formes avec lesquelles elles entrent en sympathie immédiate. Comme si se trouvait dans la psyché de chaque enfant l’aube de l’humanité. Comme si les métamorphoses d’Ovide ne cessaient de se réinventer à chaque nouvel accouchement. Comme si l’innocence était une question de souplesse du corps, menacé par le raidissement de l’âge adulte.
Fabien Ribéry – Préface de « Aurores » aux Éditions Bessard, 2018
Dans son studio géant en plein air où il maîtrise l’espace, le temps et la lumière, Alain Laboile observe ses six enfants comme les insectes qu’il photographiait auparavant. Le soin qu’il porte aux arrières plans comme la superposition des actions dessinent une écriture photographique singulière. Souvent dépourvue de sujet central, il cherche à tout capturer dans une seule image. Sa photographie est celle de l’interaction, de la fragilité, du débordement. Il capte les moments de rien, l’imprévu comme le prévisible, l’épanouissement comme le débordement, l’imagination comme la banalité. Ses travellings poétiques mettent entre parenthèses le temps qui passe, la valse des nuages, l’envol des feuilles. Il travaille le matériau humble du quotidien comme la matière organique, en l’enchantant. C’est Alice qui prend le thé avec le lapin, Philémon descendant dans le puits qui le conduit vers un autre monde… Non décidément ce n’est pas le paradis, ni la vie rêvée des anges. C’est juste la vie, tout simplement la vie et rien d’autre.
Julie Guiyot-Corteville – Ex Conservatrice en chef du musée français de la Photographie.
Alain Laboile
Sculpteur, photographe et père de six enfants, Alain Laboile a entamé un album de famille en 2007, à l’âge de 39 ans. La série « La Famille » était au commencement son trésor intime. Ce photographe autodidacte qui ne possède qu’une photo de sa propre enfance, désirait simplement marquer le temps qui passe avec les siens. L’album de famille a rapidement franchi le cadre intime pour séduire la toile. Chaque jour, des dizaines de milliers d’internautes, dans le monde entier, attendent les nouvelles images de cette « tribu » française qui vit insolemment, au bord du monde. En décembre 2012, le New York Times célèbre le talent d’Alain Laboile. Les premières expositions suivent, d’abord au Japon et aux Etats-Unis, puis en France, lorsqu’en 2014 la série « La Famille » entre dans la collection du Musée français de la photographie, prenant désormais sa place dans la longue tradition de la photographie de famille.
Essentiellement reconnu pour ses images iconiques en noir et blanc, Alain Laboile est aussi le photographe de la couleur, ainsi que le montre l’ouvrage « Aurores » aux éditions Bessard, 2018 – actuellement épuisé. Aujourd’hui, la galerie L’ANGLE présente l’exposition « Aurores » qui réunit pour la toute première fois les plus belles images en couleurs d’Alain Laboile.
L’ANGLE Galerie
6, rue des Citronniers 64700 Hendaye
Tel. 06 80 06 28 57
facebook.com/langlephotos/
instagram.com/l_angle_photographies/
Ouverture du jeudi au samedi : 11h/13h – 15h/19h et le dimanche : 11h/13h
Ou sur rendez-vous.
Vernissage en présence du photographe, le samedi 18 juin à 18h30, avec séance de dédicace de son ouvrage « Summer of the fawn », aux éditions Kehrer Verlag.
Informations
L'Angle Galerie
6 Rue des Citronniers, 64700 Hendaye, France
15 juin 2022 au 31 juillet 2022