Composée d’environ 150 photographies d’époque couvrant la période 1910-1960, l’exposition retrace l’histoire de la Zone. Collectées les unes après les autres depuis des années, ces images sont rares. La photographie de l’entre-deux-guerres s’est en effet peu intéressée à ce phénomène urbain et social, contrairement à la littérature et au cinéma qui ont largement contribué à façonner l’image d’une Zone malfamée mais peuplée de personnages hauts en couleurs comme les Apaches ou les chiffonniers.
La majorité des photographies exposées est donc l’œuvre de photographes anonymes dont certains répondaient à des commandes destinées à démontrer « l’aspect sordide qu’on peine à imaginer si l’on n’a pas eu l’occasion de parcourir la Zone ». Ces campagnes photographiques fixaient l’image de taudis afin d’accréditer la thèse de l’insalubrité qui allaient justifier la démolition de la Zone, mais elles n’en offrent pas moins des renseignements précieux sur des manières d’habiter. Les matériaux de fabrication des habitations, les détails des intérieurs, les visages des occupants sont autant d’indices d’un mode d’existence précaire mais aussi d’un génie bricoleur des zoniers, d’un art de la récupération, d’un territoire qui échappait aux normes urbaines et autorisait l’improvisation et même des rêves de propriétaire.
De ce fait, l’intérêt de l’exposition réside principalement dans son caractère documentaire, plus proche du travail réalisé par Eugène Atget au début du XXème siècle avec son album « Les Zoniers » que de l’image pittoresque de la Zone qu’a pu véhiculer la photographie humaniste d’après-guerre. Echappant à l’autorité d’un point de vue, la diversité des ensembles qui la composent souligne la force d’une photographie documentaire qui constate et témoigne d’un « ça a existé ». Car, comme tous les bidonvilles, la Zone était d’abord un lieu de vie.
Cette topographie de la Zone invite donc à plonger dans les images et à observer avec la plus grande attention, et une part d’imagination pour se figurer justement ce « qu’on peine à imaginer si l’on n’a pas eu l’occasion de parcourir la Zone ».
Aujourd’hui, comme une résurgence de la Zone, on voit réapparaître des ilots de pauvreté – bidonvilles, campements sauvages – le long du boulevard périphérique. Véritable césure dans la continuité urbaine entre le centre de Paris et la banlieue, cette barrière réelle et symbolique continue d’engendrer les mêmes maux que toute marge délaissée à proximité des grandes villes.
Deux artistes contemporains, Stéphane Goudet et Lucile Boiron, interrogent ces nouvelles formes de misère que l’un repère aux portes de la ville, l’autre aux portes de l’Europe.
Commissaires : Marion Jacquier, Philippe Jacquier et Zoé Barthélémy
Commissaire scientifique : Anne Granier, docteur en Histoire, spécialiste de la Zone
Pour plus d’informations: www.lumieredesroses.com/expositions/la-zone
Informations
Galerie Lumière des roses
12-14 rue Jean Jacques Rousseau 93100 Montreuil France
26 septembre 2018 au 08 décembre 2018