Jérôme Bryon présente le livre que lui consacrent les éditions Cercle d’art, Possibilité de survie en milieu hostile comme un livre de voyage. Il y a certes quelques photos de montagnes, la série 98% composée d’images réalisées au cours de séjours d’isolement dans les Alpes. Mais l’essentiel de ce voyage se déroule dans un univers contraint et clos, celui d’un centre commercial ou d’une chambre d’hôtel. On pense littéralement au Voyage autour de ma chambre de Xavier de Maistre (1790) : le voyage n’est pas une question de trajet.
L’exposition de la Galerie La Forest Divonne à Bruxelles remonte à la série Posture (2008), pour laquelle Jérôme s’enferme volontairement dans une chambre d’hôtel, étroite, nue et sans charme. Sa démarche est résumée en une ligne dans son carnet : « Un jour, une chambre, un sommier, une image ». Dans l’exiguïté de cette chambre, il manipule un sommier qui devient vite disproportionné. Le sujet c’est un espace contraint et austère, Jérôme Bryon en exprime un ensemble d’images très fortes, rigoureuses et structurées. Ce qui frappe c’est le silence. Au fond, quand il n’y a rien ou presque rien, on ne peut pas tricher. Bryon va jusqu’au bout. On pourrait dire qu’il va jusqu’à l’os. Dans le silence de cette chambre d’hôtel, Bryon exprime l’essence des choses.
Plus tard, en 2012-2013, les pérégrinations de Jérôme Bryon l’arrêtent en bas de chez lui. Le centre commercial Grand Sud, un vaste shopping mall de la région de Montpellier. Décor de tôle ondulé, consommation et loisirs de masse. Depressing, comme on dit en anglais. Bryon y passera deux années, à traquer le détail, le beau, l’évasion dans cet univers contraint et dur. On n’est pas si loin de la chambre d’hôtel. Tout est question de regard, de temps et d’attention. Sorties de leur contexte, certaines images de cette série paraissent de grandes montagnes abruptes, ce ne sont que les grosses pierres qui délimitent les parkings du Carrefour. Dans d’autres encore, on croirait le photographe parti arpenter les jardins zen du vieux Japon. Mais non, vous êtes toujours à Grand Sud, et ce buisson masque en fait le mur de tôle des magasins. Le détail et l’échelle.
Le détail et l’échelle c’est ce qui caractérise Sous-œuvre (2012) : un ensemble d’images saisies sur un chantier. On n’est même plus dans le décor, on est avant. Jérôme Bryon flirte avec l’abstraction. Il photographie la texture du bêton, quelques grains de poussière, une pile de cloisons en attente d’ins- tallation. Et ce sont des murs qui surgissent, les lignes rigoureuses des compositions dessinent les perspectives d’une ville, l’horizon d’un paysage, comme cette scie bleue sur le sol d’une maison en construction.
Avec la contrainte spatiale, la banalité, le détail et l’échelle, c’est sans doute là une autre clé de lecture importante du travail de Bryon : la transposition, le déplacement dans la sphère de la représentation. Avec Portaits de ma mère (2015), de petites maisons de plages, vides, volets fermés, comme abandonnées, prennent la nuit l’allure de silhouette menaçantes. La figure humaine, quasi- ment absente chez Bryon apparaît là en filigrane.
Finalement on peut se demander si ce n’est pas le silence, le vrai sujet de Jérôme Bryon, matérialisant autant l’hostilité des lieux que le moyen de survie qu’offre l’objectif dans un environnement saturé d’images et de bruits.
Né en 1974, Jérôme Bryon vit et travaille à Montpellier. Diplomé DEFA d’Architecture de Paris en 1996 et de l’Ecole des Gobelins à Paris en 1998. Il est représenté par la Galerie La Forest Divonne depuis 2011.
Dédicace de livre : le jeudi 3 mai de 18h à 21h
Plus d’informations sur http://www.galerielaforestdivonne.fr/
Informations
Galerie La Forest Divonne
Rue de l'Hôtel des Monnaies 66, 1060 Bruxelles Belgique
18 avril 2018 au 26 mai 2018