Cette année, Photo Days célèbre ses 5 ans et poursuit son engagement envers la création contemporaine. Le festival soutient les artistes en leur passant commande et en produisant leurs œuvres dans des lieux insolites. Parmi eux, le Carrousel du Louvre accueille Dahomey Spirit de Juliette Agnel, une série fascinante qui explore la végétation unique du Bénin, offrant une perspective nouvelle sur ce lieu emblématique de Paris.
Dans sa quête de lieux atypiques, et avec à l’esprit l’idée de renouer avec des lieux emblématiques de la photographie à Paris, Photo Days a l’opportunité en 2024 grâce au Comité d’animation culturelle Paris 1 de s’installer au Carrousel du Louvre : c’est là que la fameuse foire Paris Photo fit ses débuts, de 1997 à 2010.
Le lieu est à la fois immense et très populaire, et l’espace qui nous est réservé occupe toute la travée du Carrousel, de l’entrée rue de Rivoli, à la pyramide inversée, puis jusqu’au hall Charles V.
Juliette Agnel est invitée à réaliser une création sur mesure : elle choisit de se rendre durant l’été 2024 dans le Jardin d’Essai de la Fondation Zinsou, au Bénin, pour dépeindre sa végétation unique, rare témoignage du Dahomey gap, ce bouleversement climatique qui eut lieu dans cette partie du monde il y a 4500 ans. Le travail de Juliette Agnel a été réalisé de nuit comme de jour, en communion avec la nature.
Trois questions à Juliette Agnel
Comment as-tu réfléchi au lieu qui t’était proposé et comment et pourquoi as-tu choisi cette série ?
J’ai cherché à provoquer quelque chose d’inédit, mais il fallait que cela soit à la fois réalisable en peu de temps du côté de la logistique, et que cela résonne avec mes recherches, que cela me parle et fasse sens. Lorsque le Bénin s’est présenté à moi, grâce à Marie-Cécile Zinsou, avec les plantes qui témoignent d’un changement climatique comme personnage principal, j’ai été tout de suite certaine que c’était le bon lieu. Le fait que le Bénin soit la terre où le Vaudou est né n’a fait qu’augmenter mon désir d’aller y travailler, aux côtés de la nature et des forêts sacrées. Tout était réuni : il s’agissait aussi de la suite de la Martinique (cf. Forêt-ancêtres), dans l’histoire des peuples.
Toute exposition est une expérience. L’idée d’origine se développe au fil de la préparation du projet et, parfois, l’aboutissement s’éloigne de l’idée première. Quelle a été ton expérience ?
Je sais dès le départ que ce qu’on construit et ce qu’on attend va être déconstruit et qu’il faut savoir accueillir ce qui viendra alors.
Il y a des éléments qui sont restés : comme l’envie de travailler la nuit et avec de la fumée comme distanciation avec le fond, et comme élément de passage vers le monde invisible, mais tout a été mis à mal dès le premier soir, car rien n’a fonctionné comme prévu. Cela provoque des tensions, de la déception, beaucoup de stress, car le temps était compté et il fallait impérativement trouver des solutions.
J’ai dû multiplier les prises de vues, être plus dans le labeur. Essayer tout ce que je pouvais essayer, travailler le jour, travailler la nuit avec plus de quantité d’images, plus de couleurs, travailler en super 8, pour être sûre de ramener un matériel qui pourrait me satisfaire.
Ce n’était vraiment pas évident. Et finalement, je suis retombée sur mes pieds avec ma première idée qui est revenue. Mais c’est en passant par le labeur et la tension que ça a pu arriver.
Cette invitation a-t-elle favorisé l’émergence de réflexions nouvelles, de voies inédites dans ton travail ?
Oui, cette invitation m’a donné un aperçu trop rapide du Bénin d’une part, j’ai donc prévu d’y retourner pour continuer à travailler aux côtés du vaudou et de la nature sur place, mais aussi, formellement, c’est la première fois que j’introduisais la fumée et la couleur dans la nuit. J’avais déjà vu que j’avais envie d’introduire la lumière avec une photo que j’avais faite dans un champ d’olivier en Croatie la nuit avec une lampe frontale rouge, mais cette série m’a permis de déployer le champ de ces possibles et de ces prémices d’envies.
J’ai aussi pu travailler avec le vaudou un peu plus concrètement, ce qui était déjà engagé dans mes séries précédentes. Cela me donne envie d’aller plus loin avec le dialogue avec les plantes qui soignent, les plantes qui témoignent, les plantes qui sont le passage vers les mondes invisibles.
Juliette Agnel
Née en 1973, Juliette Agnel a fait des études d’arts plastiques et d’ethno-esthétique, puis les Beaux-Arts de Paris. Une rencontre avec Jean Rouch l’amène sur les routes de l’Afrique pendant plus de 10 ans. En 2011, elle conçoit et fabrique une machine : la camera obscura numérique avec laquelle elle filme et photographie.
C’est dans une approche philosophique globale que Juliette Agnel s’est mise en quête de la compréhension du monde. Cette exploration la mène du ciel à la terre, des espaces cosmiques aux forces telluriques, en passant sous terre, avec l’exploration de grottes préhistoriques. Elle photographie ce qui est invisible et tente d’ouvrir sur les forces spirituelles qui traversent le monde.
Juliette AGNEL – Dahomey Spirit
Carrousel du Louvre
99 rue de Rivoli, 75001 Paris
7 novembre au 3 décembre
Informations
Carrousel du Louvre
99 rue de Rivoli, 75001 Paris
07 novembre 2024 au 03 décembre 2024