Whiteonwhite:algorithmicnoir est le dernier film collectif imaginé par Rufus Corporation, sous la direction d’Eve Sussman. Le titre enigmatique définit les caractéristiques d’une oeuvre qui n’a de filmique que la matiere : Super 8, HD, 35 mm, autant de textures qui se melent dans une narration maitrisée par un ordinateur. Les extraits de cet ovni inspiré du Suprématisme et du film noir ont été tournés a l’occasion de deux voyages dans la région capsienne – un décor a la fois futuriste et daté qui rejaillit dans les images pour créer une tension autour de themes recurrents comme le temps, l’espace controlé et le doute. Archivés selon un systeme de mots clés puis chargés sur un ordinateur, les courts clips visuels et sonores sont traités et associés selon des correspondances exclusivement algorithmiques. Ce procédé impose un saut narratif, dans ses allers-retours entre le passé et le présent, entre ses décors naturels et de studio, produisant des associations doucement hasardeuses entre son et image. Installé dans une salle de cinéma dans laquelle un écran informatique est accroché a coté de l’écran de projection pour traduire sous forme de formules digitales ce qui se présente confusément a l’écran, le visiteur est hypnotisé par ce flot mystérieux d’images qui semblent suivre la logique d’un reve. Hypnotisé et pourtant actif puisque lui seul construit la narration – principalement émotionnelle – qui lie ses multiples informations entre elles, étendant a chaque séquence les limites du médium. Ce jeu sur la forme filmique, explorée dans ses différents aspects, est renforcé par son intime relation a la photographie. Cela crée une subtile ambiguité visuelle, avec des plans statiques qui semblent imposer une image fixe au sein d’un ensemble animé, figeant une scene et renforcant l’angoissant rapport au temps généré par l’oeuvre. Au dela de ce dialogue theorique animé entre les deux disciplines, la connivence la plus remarquable entre le film et la photo prend la forme d’une mise en abime, un procédé souvent exploré par Eve Sussman dans ses précédents travaux. Le bureau au style années 60 qui sert de décor a plusieurs scenes est reconstitué de toute piece a partir d’une photo du bureau de Yuri Gagarin prise par Eve Sussman lors d’un repérage préliminaire. Un procédé qui, appliqué de facon littérale, genere une série de décalages a peine perceptibles qui défient la perspective et questionnent la notion de reproduction de la réalité. Le lieu original évoque déja une scene de theatre puisqu’il a été conservé tel quel apres le départ du cosmonaute russe. Fixé sur un support bi-dimensionnel, il change de quelques degrés. Recrée en 3 dimensions a partir de la photographie, chaque élément est légerement distordu, et l’ensemble n’est plus disposé selon des angles droits. Recapturé par la suite avec une caméra vidéo, ce « studio » dégage un sentiment d’étrangeté généré par ses volumes et ses perspectives que l’oeil ajuste inconsciemment a chaque fois qu’il apparait. Clin d’oeil a ce jeu sur la tension des volumes, l’espace est reconstitué grandeur nature lors de l’exposition de Whiteonwhite:algorithmicnoir. Le non-film est également accompagné de plusieurs séries de photographies réalisé par les membres du collectif au moment des voyages, confirmant l’inspiration réciproque des deux médiums.
L'accès à ce contenu est réservé exclusivement à nos abonnés. Si vous êtes déjà membre, vous pouvez vous connecter ci-dessous.
Abonnez-vous aux archives pour un accès complet à L’Œil de la Photographie !
Ce sont des milliers d’images et d’articles, documentant l’histoire de la photographie et son évolution au cours des dernières décennies, à travers un journal quotidien unique. Explorez comment la photographie, en tant qu’art et phénomène social, continue de définir notre expérience du monde.
Deux offres sont disponibles. Abonnez-vous à l’offre sans engagement pour 8 € par mois ou à l’offre à l’année pour 79 € (2 mois offerts).