Eugene von Bruenchenhein (1910-1983), modeste boulanger de Milwaukee pensait qu’être né l’année du passage de la Comète de Halley était la preuve irréfutable que les dieux l’avaient doté d’un génie artistique. « Je viens d’un autre monde », affirmait-il.
Et se mit à produire un oeuvre considérable constitué de peintures, de sculptures (avec des os de poulet) et de photographies. Il épouse en 1943 Eveline Kalke, de 10 ans sa cadette, qui devient sa muse, l’inspiratrice et le sujet, direct ou indirect de l’ensemble de son art. Il la rebaptise du prénom de Marie.
La photographie devient alors son principal mode d’expression : il effectue des centaines de portraits de Marie parée de différents attributs – décorations de Noël, tissus à motifs, couronnes de cuivre – dans des poses souvent érotiques, installée sur une chaise devant un décor fabriqué de toute pièce. Marie est, tour à tour, déesse, reine, star, séductrice ou ingénue. Eugene développe ses photos dans son évier et découvre la double exposition qui leur confère une touche de surréalisme à la Man Ray. D’autres fois, il colorise les clichés à la main.
Ses photos ont étendu sa renommée bien au-delà du cercle des amateurs d’art brut : ses clichés sont actuellement à l’honneur à la Biennale de Venise, tandis qu’une salle vient de lui être consacrée dans l’exposition An Alternative Guide to The Universe, à la Hayward Gallery (Londres).
Dès 2004, dans l’exposition Create and be Recognized, photography on the edge, au YBCA de San Francisco, son travail fut associé à ceux d’autres photographes inclassables parmi lesquels Miroslav Tichy ou Lee Godie.
Von Brunchenhein, à la manière d’un Alfred Stieglitz, fait de son épouse la nouvelle Georgia O’Keeffe. Leur complicité évidente outrepasse la relation d’un Pygmalion à sa pin-up ; leur jeu amoureux, mêlé de fétichisme, transgresse les usages du Midwest tout en proposant une version domestique des modes de représentation de l’érotisme d’après-guerre. Une troublante American Beauty.
Une exposition est actuellement visible à la galerie Christian Berst
American Beauty
Eugene von Bruenchenhein
Jusqu’au 23 novembre 2013
galerie Christian Berst
3-5, passage des gravilliers
75003 Paris
France