EspIRA est une association d’artistes et une école d’art fondée par l’artiste Patricia Belli il y a presque quinze ans. “L’idée originale, et certainement l’élément moteur du projet, est de former les jeunes artistes à travers le dialogue et des retours sur leurs travaux”, explique-t-elle. “Certains de nos anciens étudiants et de ceux que nous accueillons actuellement – comme Alejandro Flores – au côté des membres fondateurs d’EspIRA sont réunis au sein d’Adrede, un nouveau projet ayant pour but de permettre à notre association d’être indépendante sur le plan financier en rendant notre travail plus visible et, nous l’espérons, plus vendeur.”
“La raison pour laquelle j’ai fondé cette association, c’était que j’avais besoin d’amis avec qui échanger. Au Nicaragua, la scène artistique était plutôt pauvre, aucune nouvelle génération d’artistes ne semblait se profiler, et les gens exprimait beaucoup d’aversion pour le travail que je faisais.” Et de fait, Patricia Belli développe un travail vidéo expérimental dans lequel elle questionne la notion de genre et le statut respectif des hommes et des femmes dans une société patriarcale comme le Nicaragua.
Les codes associés – et imposés – aux représentants des deux sexes sont également au cœur des préoccupations d’un autre membre de l’association, Fredman Barahona. En plus de la performance qu’il présentait a la Biennale, Fredman s’insurge contre une approche conservatrice de la sexualité et revendique explicitement une définition nuancée des genres : dans “Acceptation de l’échec du genre dans les relations humaines”, il représente un homme assis sur une lunette de toilettes, tandis qu’il se déguise en femme et se flagelle dans la vidéo-performance “Attaque terroriste contre les normes de beauté hétéro- et homosexelles.”
C’est à travers le corps aussi, entre autres, que Naomi Perez Belli revendique un propos artistique – si une majorité des travaux des artistes d’Adrede servent un propos politique ou social, l’engagement esthétique du collectif n’en demeure pas moins pointu. Son œuvre “Dissociation” se présente sous la forme de deux photographies, prises selon le meme angle a quelques minutes d’intervalle et juxtaposées. Sur un corps replié se dessinent les ramifications d’une feuille. L’empreinte des nervures est tres nette sur la premiere image et s’estompe sur la seconde. Les différences sont subtiles, non évidentes. Elles sont comme les changements historiques : presque imperceptibles au quotidien mais fondamentaux, et alertent sur le dangereux processus d’effacement de la mémoire individuelle et collective.
Rythmée par la lecture par Julio Cortazar d’un poème du poéte et journaliste salvadorien Roque Dalton intitulé Alta Hora de la Noche, l’animation vidéo de Ricardo Huezo du même nom se conclut par un vers prophétique faisant également écho a la mémoire et à sa disparition : “Quand vous savez que je suis mort prononce pas mon nom”. On en revient aux conséquences de l’amnésie et au danger cyclique de l’idéalisation, qui résonnent amèrement avec l’histoire du Nicaragua.
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