Michael von Graffenried était très ami avec Robert Frank. A l’occasion du centenaire de Frank, il nous a fait parvenir ses images, son texte et une vidéo !
J’ai rencontré Robert Frank en 1996 dans un restaurant du Marais, après un vernissage au Centre Culturel Suisse à Paris. Nous avons tout de suite parlé le suisse allemand ensemble. Cela a débouché sur une grande amitié. Nous nous rendions régulièrement visite l’un à l’autre, moi chez lui à Bleeker Street et lui dans mon studio à Brooklyn. En mai 2014, nous avons fait ensemble de la street photography à Brooklyn et à Zurich, dans la ville natale. A Brooklyn, il a utilisé des films instantanés desséchés. Une partie de l’image n’était pas développée, ce qui laissait de la place pour des notes sur la photo. À Zurich, nous avons pris le tram et nous sommes allés d’une station à l’autre. Robert a pris des photos.
Robert regarde autour de lui et voit l’homme d’affaires à sa gauche. Saisit l’appareil photo, il se demande s’il doit prendre une photo. Finalement, il prend une photo directement dans la serviette de l’homme d’affaires. Je ne vois pas ce qu’il y a dans la mallette et je ne le saurai jamais, car la photo instantanée ne sort pas de l’appareil. Elle ne fonctionne pas. Robert s’énerve. Il regarde l’appareil photo et se demande ce qu’il peut faire. Il décide de faire un test et me prend en photo dans le couloir du tram au milieu. L’appareil photo déclenche automatiquement un flash lorsqu’il n’y a pas assez de lumière. Pour la photo prise dans la mallette, il y avait suffisamment de lumière et le flash ne s’est pas déclenché. Mais maintenant, le flash se déclenche et il attire l’attention de l’homme d’affaires. Il me regarde d’abord, puis Robert. Robert tourne la tête et regarde par la fenêtre comme si de rien n’était. Nous sommes témoins de deux choses que tous les photographes connaissent. Premièrement, l’appareil photo fonctionne et la photo est ratée, deuxièmement, le photographe est surpris en train de vouloir prendre discrètement une photo sans que le sujet ne le remarque. C’est merveilleux.
Michael von Graffenried
Né en 1957, le photographe Michael von Graffenried est issu du photojournalisme, il se consacre au- jourd’hui à des projets au long cours en utilisant différents supports médiatiques. En 2002, le film docu- mentaire Guerre sans images – Algérie, je sais que tu sais, co-réalisé avec Mohammed Soudani, a été présenté au Festival du Film de Locarno. Ses images, exposées dans des galeries et des musées en France et en Suisse, ainsi qu’à New York, Alger, Hong Kong ou encore Beyrouth, font partie des fonds de la Bibliothèque nationale à Paris, la Fondation Suisse pour la Photographie à Winterthur et le Photo Élysée à Lausanne. Il a publié plusieurs ouvrages, notamment Nus au Paradis (Éditions Dewi Lewis 1997), Algérie, Photographies d’une guerre sans images (Éditions Hazan 1998), Cocainelove (Éditions Benteli 2005), Bierfest (Éditions Steidl 2014) et Our Town (Éditions Steidl 2021). En 2006, Michael von Graffenried a reçu l’insigne de Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres français et le prix Erich Salomon 2010. Après René Burri et Robert Frank il est le troisième Suisse qui a été récompensé par la Société allemande de la Photographie.
Alessa Widmer est la curatrice de l’exposition. « Our Town » est accompagnée par le livre aux Éditions Steidl, Göttingen 2021.
Michael von Graffenried : Our Town
Jusqu’au 1er mars 2025
Espace MVG
36 rue Falguière
75015 Paris
www.espacemvg.com
Jeudi, vendredi, samedi de 14h à 18h
