“Plus qu’à quiconque, je dois reconnaissance au Führer Schicklgruber. Sans lui […], je n’aurais pas eu le courage de devenir photographe. […] En guise de remerciement, j’ai réalisé dans la nuit de son accession au pouvoir un montage de sa gueule d’horreur avec une tête de mort et j’ai ensuite, complètement ivre, couru à travers la nuit sur les vingt-cinq kilomètres qui séparent Amsterdam d’Aerdenhout.”
Erwin Blumenfeld, Jadis et Daguerre – eds. Babel, 2022
En 1933, Blumenfeld réalise une série de photomontages, en réaction à l’accession au pouvoir d’Adolf Hitler en Allemagne : sur un portrait du dictateur, il peint des larmes de sang ou y appose en surimpression un crâne. Si ses compositions le rapprochent de celles du dadaïste berlinois John Heartfield (Helmut Herzfeld, 1891-1968) et de sa critique du nazisme par l’image, son message diffère. Dans ses photomontages pour la revue AIZ, ce dernier insiste sur un Hitler instrument de la puissance industrielle et capitaliste, dans une perspective marxiste, tandis que Blumenfeld fait du Führer l’incarnation de la mort.
Vers 1937, il intitule Le Minotaure ou Le Dictateur, le cliché d’une tête de veau surmontant un buste antique. Monstre mythologique à corps d’homme et tête de taureau, le Minotaure est alors en vogue chez les artistes, témoignant d’une fascination pour l’animalité de l’homme. Ce personnage a rapidement symbolisé la brutalité des dictatures naissantes du XXe siècle.
Picabia a repris, en 1941-42, le motif du Minotaure de Blumenfeld dans un tableau exposé au mahJ, l’intitulant L’Adoration du Veau.
Commissariat : Nadia Blumenfeld-Charbit et Nicolas Feuillie
Les Tribulations d’Erwin Blumenfeld, 1930-1950
Jusqu’au 5 mars 2023
mahJ : Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme
Hôtel de Saint-Aignan
71 Rue du Temple
75003 Paris, France
https://mahj.org/fr
Catalogue : Les Tribulations d’Erwin Blumenfeld. Eds. mahJ/RMN 2022