La particularité de l’œuvre d’Erwin Blumenfeld réside dans la volonté constante du photographe de relier commande et références artistiques. Cette photographie paye sa dette au savoir et à l’art. On y reconnaît pêle-mêle, la peinture de la Renaissance, l’impressionnisme, la modernité des années vingt, le Dadaisme, le cinéma, etc. Il faut donc rendre compte de la fusion réussie entre les renvois incessants au passé, jamais appuyés, et la création se faisant. L’expérimentation photographique est l’autre grande affaire du photographe. Tout ce qui contribue à définir l’originalité du “photographique” est revendiqué, testé et proposé. Lors de la prise de vue, dans la chambre noire, et finalement sur la maquette, l’image n’est qu’une suite de “bricolages” entre pensée préalable et “artisanat”.
L’inventaire d’un esprit en quête permanente du “nouveau” est un moment indispensable du projet muséographique. Erwin Blumenfeld joue, si ce n’est abuse, de la métaphore de la lentille. La photographie est un filtre. Aussi n’hésite-t-il pas à ajouter entre la scène et son appareil des écrans de toute nature. Le réel n’a d’intérêt que modifié. Cette transformation opérée dès la prise de vue métaphorise l’acte photographique. Elle n’est que l’excroissance des expérimentations pratiquées avant-guerre. Bien que le studio new-yorkais soit avant tout un lieu de production “commerciale”, il constitue pour Erwin Blumenfeld, un espace où doit pouvoir se manifester son “talent” en dehors de toute contrainte. Le directeur artistique, le fabricant de produits photographiques, le commanditaire lui-même, etc., tous sont, peu ou prou, suspectés de limiter la puissance créatrice du photographe. Entre l’image produite au studio et la publication, bien souvent, un écart se crée. La confrontation de ces deux moments est à souligner.
La considération pour le modèle en tant que personne est centrale dans les photographies d’Erwin Blumenfeld. Il ne s’agit pas simplement de photographier un vêtement. La beauté féminine est en effet au centre de son œuvre. Il est un des rares photographes de son époque à avoir l’audace de mettre en couverture des modèles ne répondant pas aux standards du goût américain ou des mannequins encore inconnus.
Nadia Blumenfeld Charbit et François Cheval, commissaires de l’exposition
Studio Blumenfeld New York 1941-1960, l’art en contrebande
Exposition dans le cadre du Mois de la Photo du Grand Paris
Du 3 mars au 4 juin 2017
Les Dock, Cité de la Mode et du Design
Entrée de la Cité
34, quai d’Austerlitz
75013 Paris
France