L’Oeil de la Photographie, Une rubrique de JFC à l’occasion de l’Exposition « Jacques Chirac, Un Président Citoyen du Monde » proposée par le Centre International du Photojournalisme à Perpignan.
Sous la présidence de Renaud Donnedieu de Vabres et en présence du maire de Perpignan, Jean-Marc Pujol, de la présidente du Département Hermeline Malherbe, du préfet Chopin, de Jean-Luc Monterosso, de Jean-François Leroy et du photographe personnel de Jacques Chirac, Éric Lefeuvre, fut inaugurée la dernière exposition du CIP, dans un nouveau lieu dédié au Campo Santo, au cœur de la ville de Perpignan.
A la suite des compliments d’usages, le président de l’Association Visa pour l’Image et du CIP a rappelé ses liens, comme ancien ministre, avec l’ancien président, homme de culture, d’écoute et de bienveillance. Le maire de Perpignan, quant à lui, s’est appliqué à nous relater ses rencontres avec le maire de Paris et président du RPR, se livrant à un commentaire surprenant sur la reconnaissance de la culpabilité de l’État français lors de la rafle du Vel-d’Hiv par l’ancien chef de l’État, ce qui permit à Hermeline Malherbe de rebondir pour remettre les choses dans l’ordre établi depuis lors.
Les deux interventions les plus remarquables furent cependant celle de Jean-Luc Monterosso, ancien directeur de la Maison Européenne de la Photographie qui était l’un des commissaires de l’exposition et, bien sûr, celle du photographe Éric Lefeuvre, qui a côtoyé le maire de Paris, puis le Président tout au long de sa vie.
Jean-Luc Monterosso a fait un long plaidoyer sur la passion de Jacques Chirac pour la photographie avec pour preuve la création de la MEP et du Mois de la Photo. Cette manifestation de grande envergure avait pour objectif de placer Paris comme centre mondial de la photographie : elle offrait l’occasion à toutes les galeries de présenter le travail de très nombreux photographes de toutes les tendances artistiques. Ce fut un immense succès qui donna l’impulsion de Paris Photo, le plus grand marché photo au monde.
Éric Lefeuvre nous fit ensuite entrer dans l’intimité de ce personnage historique, en montrant sa connivence avec les gens de toutes origines et de toutes conditions, même s’il n’aimait pas vraiment poser. Il savait que chaque poignée de main, chaque portrait en sa compagnie allait laisser à son interlocuteur un souvenir inéluctable. Jacques Chirac choyait les photographes de son entourage et plus particulièrement Éric qui relatait jour après jour son action politique ce qui, finalement, construisait sa légende.
L’exposition quant à elle nous donne à voir un Jacques Chirac se passionnant pour des cultures anciennes, des ethnies africaines, des femmes et des hommes de terrain à travers ses nombreux voyages. C’est moins le Président que l’homme de bonne volonté qui apparait à travers une soixantaine d’images dont certaines iconiques comme celle en compagnie de Bernadette et de Nelson Mandela.
Jean-François Camp
Pendant trente ans j’ai vécu dans l’ombre de Jacques Chirac par Eric Lefeuvre
Lorsque son nom est évoqué, je ne pense pas au Maire de Paris, au politicien ou au président de la République, mais à un homme à la curiosité permanente affichant un sourire constant et une fantastique vitalité, profondément tourné vers les autres et, comme les grands artistes, porteur d’un message qui ne sera compris que plus tard.
Toujours à l’écoute de l’autre, il était profondément convaincu qu’il faut se nourrir de toutes les civilisations. S’il était fier que l’Europe soit à l’origine du mouvement d’émancipation des peuples grâce aux Droits de l’Homme, cela n’introduisait pour autant à ses yeux aucune hiérarchie entre les civilisations, chacune portant à sa manière un regard différent sur le monde, dont aucune ne peut se prévaloir de la vérité.
Partir à la rencontre des cultures et s’émerveiller de leurs richesses n’était pas pour Jacques Chirac une posture médiatique ou anecdotique mais le résultat d’un amour profond pour l’humanité dans toutes ses facettes.
Ma toute première photographie de lui remonte à 1984. Il était Maire de Paris, il avait 52 ans, j’en avais 18. C’était lors d’une réception à l’Hôtel de Ville, j’avais été appelé à remplacer des photographes du service de presse, je me souviendrai toujours combien j’avais été à la fois impressionné et tremblant face à ce grand escogriffe.
Ma toute dernière image de lui date de l’été 2016, je voulais réaliser des photos de ses mains et qu’il pose avec l’une des statuettes Africaines qu’il gardait précieusement dans son bureau rue de Lille, il a gentiment accepté et a même esquissé un léger sourire. Ce furent mes dernières photos de lui. Jacques Chirac n’aimait pas les photos dans lesquelles il apparaissait, mais il aimait la photographie, celle qui montrait l’autre, les autres, celle qui lui permettait d’assouvir sa curiosité et ses interrogations sur le monde. J’ai à ce titre toujours été frappé par le fait qu’il ne dispose d’aucune photo de lui dans son bureau à l’Élysée.
J’ai encore à l’esprit un voyage officiel au Mali en octobre 2003 en pays Dogon où nous avions pu assister à une danse cérémonielle des masques. J’ai eu l’idée de lui offrir pour son anniversaire un album retraçant ce voyage avec des photographies de lui, des danses, des masques… Quelle n’a pas été ma surprise de voir l’album me revenir une semaine après avec toutes les images où il apparaissait et dont il avait découpé et gardé toutes celles contenant des masques et de la danse !
Éric Lefeuvre
Deux mois après sa mort, le président Chirac reste dans le coeur de chacun car la vision qu’il avait du monde et de tous les citoyens français et étrangers était celle d’un homme de paix, tolérant et respectueux de chaque identité, de chaque culture, de chaque religion, de chaque tradition.
Perpignan est l’écrin idéal pour présenter l’exposition des photos d’Éric Lefeuvre qui a longtemps jalonné le parcours de Jacques Chirac.
Dans cette ville riche d’une foisonnante diversité, les images du président Chirac seront en totale résonance. Puissent tous les visiteurs de cette exposition en ressortir porteurs d’un message fraternel pour l’autre, quel qu’il soit.
Grâce à tous les partenaires de l’association Visa pour l’Image et grâce au soutien de François Pinault, cette exposition du CIP rend hommage à un grand président qui, au-delà des libres débats politiques démocratiques, a trouvé dans l’esprit des Français une place à part : non pas uniquement celle d’un homme d’État mais celle d’une personnalité rayonnante, humaine et attachante.
Renaud DONNEDIEU DE VABRES
Ancien ministre
Président de l’Association Visa pour l’Image
Un president au-delà du cliché
L’image d’un homme public, et a fortiori celle d’un président de la République, ne peut être laissée au hasard. C’est pourquoi un certain nombre d’entre eux s’attachent les services d’un photographe.
C’est Jacques Lowe pour John Fitzgerald Kennedy – on se souvient de la célèbre photo du petit John-John jouant sous le bureau de son père à la Maison Blanche – ou plus récemment Pete Souza, pour Barack Obama.
Jacques Chirac, lui, a choisi Éric Lefeuvre. Photographe attitré, de la Mairie de Paris à l’Élysée, Eric Lefeuvre l’a accompagné pendant plus de trente-cinq ans, le suivant dans toutes ses activités, en province, en Europe, dans le monde. Observateur attentif des coulisses du pouvoir, il a réalisé, sans jamais se mettre en avant, des milliers de clichés qui constituent un témoignage irremplaçable sur un président qui est entré aujourd’hui dans l’Histoire.
La plupart de ses photographies sont prises au vol et nous révèlent un homme empathique et chaleureux. Il le suit jour après jour tentant, non sans mal, de mettre ses pas dans ceux d’un président qui parcourt le monde à grandes enjambées et traverse sans complexes les foules au grand dam de son service de sécurité.
Jacques Chirac, nous dit Éric Lefeuvre, aimait la photographie mais restait indifférent à celle qui le représentait. Seules trônaient sur son bureau à l’Élysée quelques photographies de famille, dont le portrait de son petit- fils Martin et celui de Georges Pompidou.
Sur plusieurs images on peut voir le président l’oeil sur le viseur d’un appareil photo. On connaissait son goût pour les arts asiatiques et les arts premiers mais savait-on qu’il nourrissait une passion discrète pour l’art de Niépce, l’inventeur de la photographie au début du XIXe siècle ?
En soutenant l’initiative du Mois de la Photo, en ouvrant des départements photographiques dans les musées et en décidant la création de la Maison Européenne de la Photographie, le Maire de Paris, en effet, a fortement contribué à rendre à la ville lumière son statut de capitale mondiale de la Photographie. Il appréciait les oeuvres d’Henri Cartier-Bresson, d’Irving Penn ou encore Bettina Rheims…
Dans cette exposition, les images d’Eric Lefeuvre illustrent les voyages d’un président citoyen du monde qui a donné à sa fonction une dimension humaine. Éclairé par la photographie, il paraît à la fois proche et lointain. On comprend mieux dès lors la place à part qu’il occupe dans le coeur des Français et qui fait de lui l’un des présidents les plus aimés de la Ve République.
Jean-Luc Monterosso
commissaire de l’exposition avec le concours de Jean-François Camp
L’EXPOSITION
Une exposition de soixante photographies en noir et blanc et en couleur, dont la plupart sont inédites, réalisées par Éri© Lefeuvre, photographe, auteur et journaliste. Pendant plus de trente ans, il n’a cessé de photographier cet homme d’État qui figure aujourd’hui parmi les personnalités politiques préférées des Français. Trente années à côtoyer, accompagner, observer mais surtout à épier avec ses « Leica » ce personnage hors du commun, aussi secret et mystérieux qu’attachant mais avant tout profondément humain. À travers des photographies de Jacques Chirac, des scènes de vie et des portraits de ceux qu’il rencontrait lors de ses voyages, cette exposition nous permet d’approcher au plus près de cette soif authentique de découverte de l’Homme et des cultures qui anima tout au long de sa vie Jacques Chirac, véritable citoyen du monde. Certains pensent que Jacques Chirac aurait fait un excellent anthropologue, sans doute, mais ce dont Éric Lefeuvre est aujourd’hui certain, c’est qu’il aurait pu être un grand photographe et que sur certains voyages officiels il aurait certainement parfois préféré être à « sa » place !
ÉRIC LEFEUVRE
Enfant, Éric Lefeuvre pousse souvent la porte du laboratoire noir et blanc de son père. De ces heures excitantes passées dans cette petite pièce rougissante naît une vocation qui le pousse à intégrer l’agence GWD, qui couvre l’actualité politique et sociale, puis à effectuer ses premières piges pour l’AFP pour y apprendre le métier de reporter-photographe. Après une année dans la Marine Nationale, la chance lui sourit au bon moment : un ancien photographe de Jours de France cherche des jeunes photographes pour reconstruire le service photo de la capitale où Chirac s’est retranché un peu abattu après sa défaite aux Présidentielles de 1988. En 48 heures Éric est embauché. Commence alors pour lui une aventure hors du commun, des milliers de kilomètres parcourus à travers l’hexagone et le monde, mais surtout de nombreux kilomètres de pellicules Kodak Tri-X impressionnées avec ses deux M6 Leica. Une aventure de 30 ans à accompagner aussi bien dans ses déplacements que dans l’intimité celui qui deviendra le 5e Président de la Ve République.
UN PRÉSIDENT CITOYEN DU MONDE
JACQUES CHIRAC SOUS LE REGARD D’ÉRIC LEFEUVRE
25 NOVEMBRE 2019 – 1er MARS 2020
CAMPO SANTO
CHAPELLE DE LA FUNÉRARIA
Rue Amiral Ribeil
Perpignan