Jorge Juan Anhalzer se définit comme un aventurier autodidacte, captivé par la photographie. Très jeune, il fait l’ascension des Andes et témoigne de la beauté des montagnes grâce à la photographie. Auteur de bonnes images analogiques, en noir et blanc, il se sent cependant frustré de ne pas obtenir le paysage dans sa totalité, mais seulement découpé, fragmenté.
C’est grâce à un ULM qu’il a lui-même construit et au passage au numérique qu’il va devenir la référence équatorienne et probablement sud-américaine pour les paysages panoramiques et les vues aériennes de son pays.
Parmi les séries de paysages, son travail nommé Abstracciones me paraît doté d’un regard différent, d’une approche quasi-picturale. Il s’agit d’une centaine de photos prises depuis les nuages, absolument époustouflantes. Selon le principe de la “cenital photography”, ses vues plongeantes, perpendiculaires-zénithales en grande majorité, lui donnent une vision d’ensemble. Son regard alors sélectionne, découpe en tableaux des scènes figuratives mais construites comme s’il s’agissait d’un tableau. Lignes et formes dynamiques, textures riches et reflets trompeurs, présence de l’eau et atmosphères diaphanes, motifs et harmonies de couleurs parfaites, créations de la nature ou de l’homme, l’ensemble crée une image non identifiable, mais parfaite et heureuse dans sa composition. Impossible de savoir qu’il s’agit par exemple d’une plantation de riz, avec des parcelles cultivées, d’autres brûlées, toutes ses parcelles agricoles formant à l’origine des anneaux séparés d’une composition asymétrique. L’image la plus étonnante est peut-être celle de cette palette de couleurs du désert, avec un sol fissuré marécageux et deux espèces de coquilles qui contrastent fortement avec leur auréole blanche se détachant du fond par des reliefs. Il y a même un certain magnétisme pour cette photographie, l’œil se sent attiré, mais quand on découvre qu’il s’agit d’une des décharges les plus polluées et des plus grandes de la ville de Quito, il se crée un malaise. L’attirance diminue, les acides et les produits issus des ordures constituent de grosses couches épaisses qui, vues du ciel, nous rappellent la texture agréable du sable, et paradoxalement nous dégoutent, surtout si on essaie d’imaginer l’odeur de ce lieu.
Les photos des marais salants colorés par des bactéries et des algues nous évoque de véritables tapis abstraits et géométriques avec des nuances pigmentées qui se mêlent aux eaux mortes et aux bassins. Sans retouche, toute cette série, par ses cadrages et l’intention du photographe, entraîne une forte sensation de vertige et nous laisse imaginer la nature autrement. Sans oublier que ces paysages abstraits ont eu sans doute une vie éphémère, captés figés par le passage du photographe.
Quito, Krupskaia Quevedo.
LIVRE
Abstracciones (Abstractions)
Photographies de Jorge Juan Anhalzer
Editions Imprenta Mariscal
Pages: 135
Format: 35 x 23 cm
Langues: anglais – espagnol
27 €
Jorge Anhalzer: www.jorgeanhalzer.com