Vous êtes la première photographe a assurer la fonction de directrice artistique de Photoquai. Quels sont les avantages et les inconvénients de cette position ?
Françoise HuguierLes avantages :
Des avantages techniques d’abord : contrôle des scans, des tirages, et l’impression des bâches. Travail énorme sur plus de 400 scan avec le laboratoire Janvier, et le contrôle de 150 impression de bâches chez Pictorial. L’éditing : a priori le fait que je sois photographe me permet de faire un éditing scrupuleux et qui a un sens. Par exemple pour les photographes exposés qui sont plus photojournalistes et documentaires, il est important de faire un éditing qui sera la quintessence de leur travail. J’ai essayé de comprendre le sens de leur démarche et de ne pas la trahir. Etant donné que dans mon travail de photographe j’ai été à l’écoute du monde et que j’ai beaucoup voyagé, je savais quelles régions du monde avaient été peu prospectées, je savais aussi que choisir un thème était un écueil et que ce qui était important était que les photographes choisis nous parlent de leur société et de leurs préoccupations. Il était également important que je ne sois pas bloquée sur un style de photographie, que je n’ai pas d’a priori. Evidemment des photographes me parlaient plus que d’autres car proches de mon travail (Lek Kiatsirikajorn) et en même temps certains très éloignés me ravissaient aussi (Jim Allen Abel…).
Les inconvénients :
Au début j’ai eu quelques interrogations sur mon rôle de commissaire, puisque mon métier est d’être photographe et réalisatrice, et non directrice artistique. Mais au fur et à mesure l’excitation de la découverte a pris le pas. J’ai appris au fil du temps à ne pas regarder seulement mon nombril. Les commissaires m’ont amené des photographes et des séries et pour le choix final j’ai du écarter le travail de certains photographes dont le travail était moins cohérent dans l’ensemble que je voulais montrer.
Quel a été le processus de sélection et êtes-vous satisfaite ?
Françoise HuguierDes commissaires et des correspondants ont été nommés par moi pour les différentes régions du monde (Afrique : Christine Eyene, Maghreb et pays du Golf : Mouna Mekouar, Asie du Sud-Est : Gilles Massot et Wubin Zhuang, Chine et Japon : Sylvie Rebbot, Chine : Zeng Nian, Cuba, Brésil, Cambodge : Christian Caujolle, Russie : Anna Shpakova, Australie et Nouvelle Zélande : Céline Martin-Raget , Chili : Christine Barthe, Inde : Olivier Culmann). J’ai souhaité aussi aller rencontrer un certain nombre de photographes en Tanzanie, Colombie et Sud-Est asiatique. C’était important que j‘y aille, non seulement pour rencontrer les photographes, mais aussi pour en savoir plus sur l’inspiration des artistes non occidentaux : comment vivent-ils ? Quelles sont leurs inspirations, leur mode de création, de diffusion des photographies… ? J’ai souhaité que les commissaires me proposent des photographes émergents ou non, mais n’ayant jamais exposé en France. Puis j’ai sélectionné des artistes parmi leurs propositions, et, en février 2011 nous avons eu une réunion au musée du quai Branly avec la direction pour faire le choix final. Pour certains je suis restée inflexible, mais avec doigté. Le choix définitif des 46 photographes terminé, j’ai travaillé avec la maison de production APC et le graphiste Nicolas Rouvière à la maquette de l’exposition.
Des surprises ?
Françoise HuguierJulian Lineros (Colombie), Cuba, Hélèle Amouzou (Togo), les fourmis de Sameer Kermalli (Tanzanie), Jamal Penjweny (Irak), Mingyi Luo (Chine)
Des déceptions ?
Françoise HuguierD’être obligé de se limiter à 46 photographes exposés.
Qu’est-ce qui a été le plus difficile ?
Françoise HuguierD’ordre technique : le poids des scans qui nous ont parfois limité pour l’agrandissement des photos. J’aurais également souhaité que l’Afrique soit plus présente mais pour cela il aurait fallu faire plus de voyages. C’est la clé pour avoir une bonne sélection, par internet la sélection est trop limitée, on ne peut voir que très peu de photos, ou même pas du tout. Beaucoup de photographes envoient très peu d’images et donc l’editing est très compliqué.
Vouliez-vous réaliser certaines choses qui n’ont pas été possibles ?
Françoise HuguierInitialement nous voulions aussi présenter des vidéos, mais la scénographie telle qu’elle est à l’heure actuelle ne le permet pas vraiment. Or beaucoup d’artistes font des vidéos…
Etes-vous prête à recommencer cette expérience de commissariat ?
Françoise HuguierOui, je recommencerai volontiers cette expérience de commissariat, à condition que ça ne prenne pas trop sur mon travail photographique.
Quels sont maintenant vos projets immédiats ?
Françoise HuguierCe sont les projets qui me font vibrer et rêver. Je suis en train de travailler sur mon 2e documentaire avec Les films d’ici et j’ai un projet photographique sur Kuala Lumpur et Bangkok en prolongation de mon travail à Singapour, sur les classes moyennes dans ces 2 villes ; et un projet sur la Colombie que je suis en train de préparer.
Entretien réalisé par Christian Caujolle