Le livre s’ouvre sur l’image d’un planeur planté à la verticale dans un champ, une cinquantaine de personnes alignant leurs yeux surpris derrière les deux longues ailes qui le maintiennent dans cette position spectaculaire. Il se poursuit dans un défilement ininterrompu de tôles froissées, de pneus en l’air, de corps inertes, de flammes vives, collection des accidents extraordinaires et quotidiens de Mexico des années 50 à 2000. La ville se révèle au fil de ses drames : son incessant flot de véhicules qui ne s’interrompt qu’à l’occasion de tragiques collisions, son encombrement humain qui transparait dans les regroupements denses de curieux, son tempérament de feu qui explose dans des crimes passionnels, suicides et autre meurtres impulsifs, sa piété inébranlable, sa presse à sensation, son action incessante. L’action, cette intense série d’événements qui fascine Enrique Metinides dans la réalité comme dans la fiction. Enfant, il dévorait tous les films du genre. Depuis, il est le collectionneur insatiable de ces scènes tendues, prêt jour et nuit à embarquer avec son appareil photo à bord d’une ambulance en route pour l’une des tragédies de la vie quotidienne, lecteur assidu de la presse dont il découpe et répertorie les articles chaque jour, spectateur des informations télévisées qu’il enregistre consciencieusement, metteur en scène d’une réalité mouvementée. Ce sens de la narration visuelle libère ses images de toute intention morbide ou voyeuriste. Il évite respectueusement les gros plans sur la torpeur fatale des victimes et intègre leurs corps inanimés dans une composition cinématographique contenant les indices, acteurs et spectateurs de l’événement. Les différentes facettes du désastre. Ces fragments de catastrophe en couleur et en noir et blanc, que l’exposition et le livre proposent également d’appréhender dans leur contexte de publication sur les pages de La Prensa, permettent une réflexion sur l’évolution du journalisme. Aujourd’hui, violence intrusive et débordement de sang couvrent les pages des journaux. Ce journalisme n’est pas celui de Metinides. S’il continue à raconter ces histoires qui le passionnent, c’est en mêlant réalité et fiction, souvenirs et imagination : de ses vastes archives consciencieusement classées par type d’événement, il sélectionne certaines scènes qu’il rephotographie en y juxtaposant l’un des nombreux jouets de sa collection d’ambulances et pompiers miniatures.
Laurence Cornet
Exposition
« 101 Tragedies of Enrique Metinides”
Jusqu’au 20 avril 2013
Aperture Foundation
547 West 27th Street, 4th Floor
New York, N.Y. 10001
Tel: 212 505 5555
Livre
« 101 Tragedies of Enrique Metinides”
Photographies de Enrique Metinides
Textes de Trisha Ziff
Editions Aperture
184 pages, 50 $