Une exposition à la galerie le Voleur d’Images à Paris revient sur l’un des célèbres travaux du photographe français.
Jacques Henri Lartigue a eu la chance d’être libre et de vivre à sa guise ; il a su faire de sa vie un chef d’œuvre. Après une enfance baignée dans l’euphorie de la Belle Epoque, le jeune Lartigue grandit à l’ombre des Années Folles. Libre de toute contrainte matérielle, il voue sa jeunesse au bonheur de vivre, à la beauté, voire à une certaine frivolité. C’est un dandy.
D’un naturel heureux, Lartigue s’enthousiasme pour la vitesse, pour le sport, pour tous les sports : le cyclisme, les courses de voitures, le ski, le patinage, les planeurs, etc. Mais c’est surtout le tennis qui l’enchante : excellent joueur lui-même, il s’émerveille de toutes les sensations que ce sport lui procure : « Jouer au tennis au soleil. L’odeur des vestiaires. Les grands arbres verts. Le chant d’un merle (…). Le soleil au-dessus de ma tête ». [1]
La vitesse, l’envol, le suspense du jeu le passionnent : « La balle arrive, la raquette l’attend avec ses boyaux extra tendus. Son bruit à la fois sec, élastique et creux vous envoie une parcelle de volupté à travers le corps. Faire un sport rapide, c’est vivre dans la fantastique contrée des atomes de seconde ». [2]
Un phénomène : Suzanne Lenglen
Lartigue fait la connaissance de la joueuse durant l’hiver 1915 à Nice. Il découvre alors un « phénomène », comme il aime à la décrire, « une petite fille de 14 ans appelée Suzanne Lenglen ». Il la retrouve au Tennis-club de Nice, où celle-ci continue un entraînement de « machine à jouer au tennis ». « Elle joue si bien et si fort qu’elle battrait facilement beaucoup de véritables champions hommes en simple ». A l’époque, elle est déjà championne de France, sera-t-elle « championne du Monde ? » s’interroge-t-il.
Retenir le temps qui passe
« Toute sa vie, et comme si la photographie ne suffisait pas à combler son désir d’inventaire, Jacques Henri Lartigue a eu le souci d’écrire le temps qui passe pour le retenir » [3]. Pour raconter sa vie, Lartigue composera des albums de photographies avec une grande minutie. Et pour contrer la fuite du temps, il tiendra un journal. Chaque jour, le temps y est inscrit en initiales : T.B, B., T.T.B., soit Très Beau, Beau, Très Très Beau. Comme l’a fait remarquer son grand ami Richard Avedon, « Il faisait toujours beau. Jamais il ne pleuvait. Ou presque jamais… » [4]. A une certaine époque (dans les années 1910), le bas de la page contenait de petits dessins de ses photographies, dans lesquels « tout y figure, jusqu’au mouvement exact d’un foulard agité par le vent au moment où il avait appuyé sur le déclic ». [5]
Comme en photographie, Lartigue semble avoir toujours cherché à « prendre au vol l’image (heureuse) d’un instant, un court fragment de temps qui signifiera désormais quelque chose d’éternel ». [6]
Cette exposition propose une quinzaine parmi les plus emblématiques photographies de Lartigue sur le tennis, prises sur une vingtaine d’années (1910-1930) ; ainsi que quelques extraits de ses albums et de son agenda. Pour « prendre au vol », comme il aimait à le dire lui-même, l’« image heureuse d’un instant ».
En vol, le tennis selon Lartigue
Galerie le Voleur d’Images
9, rue de Saint-Simon
75007 Paris
France
http://www.levoleurdimages.paris/
[1] L’émerveillé, écrit à mesure, 1923-1931
[2] Journal, 1919
[3] Martine d’Astier, Jacques Henri Lartigue, Une vie sans ombre, Gallimard, Paris, 2009
[4] Richard Avedon, Instants de ma vie, postface, le Chêne, Paris, 1970
[5] Richard Avedon, idem
[6] Jacques Henri Lartigue