Fidèles aux postes, voilà l’expression désignée pour qualifier les agents d’accueil, de vente et de sécurité accueillant les visiteurs du Festival. Fidèles depuis les prémices des Rencontres. Aux postes derrière leurs larges caissons en bois, poinçonnant les tickets ou glissant une attention délicate aux abords des expositions. Timides, réservés ou volontairement effacés, ces agents participent aussi à la fête.
Tous ne se livrent pas. L’article intime : surtout ne pas se mettre en avant, échapper à la lumière. On retrouve le même effacement volontaire au sein de l’organisation du Festival. Leur coordinatrice au sein de l’administration, Monique Lopez, le répète à l’envi : « nous préférons l’ombre à la lumière ». La formule deviendra philosophie.
Refusant souvent les interviews, Monique Lopez se livre à discrétion, préférant mettre en avant cette foule d’anonymes plutôt que son action personnelle. Elle est pourtant fidèle au poste, vingt-quatre ans à la direction des agents d’accueil. Vingt-quatre bougies qu’elle résume par une volonté simple : « redonner le sourire, le goût de la vie, quelle que soit la situation de chacun ».
Juridiquement, les 231 agents d’accueil, de vente et de sécurité présents sur le festival sont engagés dans le cadre d’un contrat-aidé. Pilotés par Pôle-Emploi, beaucoup d’entre eux sont demandeurs d’emploi, saisonniers et vivent des situations parfois précaires. Certains « sont aux assedics« , d’autres « empilent les CDD ». Ce contrat-aidé occupe six mois de l’année, « une bouffée d’air autant qu’un tremplin » nous avoue l’un d’eux. L’action sociale et le prestige des Rencontres peuvent bénéficier aux intéressés. « Beaucoup d’entre eux trouvent des CDD, parfois des CDI », souligne Monique Lopez. En 2013 notamment, agents d’accueil et entreprises s’étaient rencontrés pour un Open Job ; une plateforme destinée à l’embauche débouchant sur une vraie réussite.
D’année en année, les têtes changent. On retrouve peu ou pas les mêmes figures. Il y a bien « quelques habitués » reconnaît une employée, agent en billetterie à l’église Saint-Anne, reconduite dans sa deuxième année, « mais la plupart sont de nouvelles têtes ». Pôle Emploi donne la priorité au tissu économique et social arlésien. La plupart d’entre eux viennent d’Arles ou de ses proches environs : Tarascon, Salin-de-Giraud, Saint-Martin-du-Crau. Pour d’autres, c’est la seconde fois, dans l’espoir de rebondir ensuite autrement.
Travailler pour les Rencontres, ce n’est pas seulement un salaire à la fin du mois. Le bagage culturel, l’effusion des manifestations motivent aussi grandement. Ali découvre pour la première fois le festival. Tout en liant des amitiés avec ses nouveaux collègues, il nous dit « commencer s’intéresser un peu à la photographie. Pour moi la photographie, c’était une image. Je visite les expositions et maintenant je comprends que l’image porte un message, qu’il y a quelque chose derrière« . Le bagage culturel motive aussi Tristan. « C’est ma première fois ici. Même en tant que visiteur. Je viens de Chateaurenard [ndlr : à 35 km d’Arles]. Ici, j’aime beaucoup l’aspect photographie, les rencontres autour, les événements ! Je suis dessinateur, je m’intéresse à l’art. Je suis motivé principalement par l’aspect artistique du festival. » Tristan souligne aussi l’opportunité donnée aux agents de visiter les expositions. « On travaille le matin puis l’après-midi on visite les expositions. Les trois premiers jours de la semaine, c’est ainsi ! On a envie de tout découvrir rapidement. Et puis voir les collègues, voir comment ils s’en sortent pour leur première semaine. «
Ces premiers instants sont traversés par les visites officielles, les foules nombreuses, leur lot de mondanités. La ministre de la Culture arpente et découvre ainsi pour la première fois l’exposition dans la Chapelle des Frères Pêcheurs. Tristan détaille : « Après les cortèges officiels, tout ce monde, les flux reviennent ensuite à la normale, ça se tasse« . La première semaine sera aussi formatrice qu’épouvante !
Fort heureusement, la grande majorité du public a un mot amical. Il faut parfois supporter les râleurs, les grognons, les mécontents, mais comme le souligne un agent d’accueil du Palais de l’Archevêché, la quarantaine, « ce n’est qu’une petite minorité. Les gens sont heureux de venir ici, l’ambiance reste décontractée. Les gens sont sympathiques ! « Et Ali de conclure : « Passez une belle exposition ! »