Rencontre avec Olivier Cablat
Satellite des Rencontres d’Arles, savamment construit autour de son indépendance, Cosmos Book offre chaque année aux visiteurs un regard sur les pratiques éditoriales photographiques. L’occasion rêvée pour feuilleter des livres d’artistes, des projets papier et numériques, entre talents reconnus et prometteurs. Cosmos est un lieu d’échanges autour du livre photo. C’est un moment heureux, riche en découvertes, ouvert aux possibles éditoriaux. On entrouvre un livre, un autre, un dernier, on revient au précédent. Le foisonnement des offres éditoriales, la représentation des innovations, le bon esprit de cette initiative consacrent Cosmos comme une plateforme unique au sein d’un festival de photographie.
Dès sa fondation en 2009, jusqu’à son intégration au programme officiel des Rencontres en 2015, Cosmos est conçu comme un projet indépendant : « Sans faire partie de l’équipe de Rencontres, nous sommes comme des commissaires, bien que nos projets soient multiples. Nous devons gérer dix projets à la fois, avec en son cœur, cette plateforme d’émergence des pratiques expérimentales et actuelles en photographie, en projection, en projets numériques », explique son co-directeur artistique, Olivier Cablat. Avec son compère Sebastian Hau, les deux hommes rendent compte de la diversité des pratiques éditoriales, afin d’offrir au public un panel de nouveautés et d’innovations dans l’édition photographique.
Au sein de cette équipe réduite, à laquelle s’ajoute Sam Stourdzé, directeur des Rencontres, les fonctions ne sont pas nécessairement réparties, bien que Sebastian Hau « appartienne davantage au monde de l’édition », tandis qu’Olivier Cablat définit son rôle par sa position « d’artiste et d’auteur ». Ce dernier concentre ses efforts sur la scénographie, la conception des expositions, tandis que son compère s’occupe de la communication et des éditions. Nécessairement, les deux hommes se complètent, s’entraident. Les prérogatives et fonctions ne sont pas arrêtées. Ce « binôme de direction artistique » se voit régulièrement pour partager des découvertes, organiser la diffusion de projets innovants. Le rôle d’Anne Fourès, chargée de Photo Folio Review pour les Rencontres d’Arles, doit aussi être souligné. Elle coordonne « la location d’espace pour les éditeurs, gère l’économie, la relation avec l’équipe des Rencontres » autour de l’événement.
En sept ans, Cosmos a considérablement enflé. Au juste, comment se définit cette ligne éditoriale ? Quelle est particularité ?
Olivier Cablat et Sebastian Hau ont pensé Cosmos comme une plateforme « respectueuse des tendances principales ou mineures de l’édition photographique ». On retrouve des éditeurs actifs depuis des dizaines d’années (Xavier Barral, Dirk Baker, Dewi Lewis), des auto-éditeurs (Rorhof, This Book is True) français ou internationaux, éditeurs de livres anciens, de livres classiques et traditionnels, voire des éditeurs de projets numériques (Cheval Digital). Certains acteurs jouant avec la multiplicité des formats (papier, PDF), une offre plurielle qui démontre la richesse des pratiques éditoriales photographiques. Cosmos se distingue par sa force d’invitation : « ce n’est pas une sélection sur candidature, mais bien une invitation d’un ensemble d’éditeurs représentatifs de ce qu’il nous parait nécessaire de défendre, au-delà de nos goûts personnels », détaille son co-directeur. Le critère de choix est donc la représentation d’une multiplicité de tendances dans le monde vaste de l’édition photographique.
Avec l’arrivée de Sam Stourdzé à la tête des Rencontres depuis 2015, tandis que le Festival se tourne plus largement encore vers les nouvelles pratiques photographiques, Cosmos Arles Books a pu étendre sa zone d’action, « tout en gardant la même ligne directrice, celle-ci s’est développée ». Aujourd’hui, les connexions avec d’autres pratiques artistiques se renforcent. L’architecture notamment, fut au coeur de l’édition des Rencontres 2015. Les ponts avec d’autres arts sont, pour le Festival comme pour Cosmos, assumés : « dans le livre, dans l’édition, nous assumons l’idée de la photographie tout en l’ouvrant sur d’autres territoires ; photographie ouverte dans son identité à d’autres disciplines. Cette vision peut paraître partagée, rappelons qu’elle était déjà au coeur de la philosophie auparavant », détaille Olivier Cablat. Une manière aussi de souligner la coordination, consciente ou inconsciente, entre la direction artistique du festival et celle de Cosmos.
La diversité des pratiques éditoriales peut se comprendre comme une tâche enrichissante autant qu’une tâche à jamais infinie. Le renouvellement des pratiques éditoriales et l’explosion des quantités (plusieurs milliers de titres annuels pour les livres de photographie (estimation mondiale : 3000-4000) ont démultiplié les productions éditoriales. Un exemple de cette démultiplication dans l’édition photographique se comprend avec l’évolution du métier de photographe : « Auparavant, le photographe se contentait de prendre des photos, il appelait ensuite son laboratoire puis son imprimeur. Les tâches étaient réparties », explique Olivier Cablat. « Aujourd’hui, les métiers ont fondu, on peut être artiste, commissaire d’exposition, producteur de ses propres images, technicien de retouche ».
Cette année, Cosmos propose une illustration de cet éclatement des fonctions. À travers une expérimentation innovante, le Cosmos PDF Award, est créé un nouveau prix ouvert à tous les photographes, sur tous les continents. Il s’affirme comme démocratique car simple et facile d’accès de par son format PDF. Nul besoin d’envoyer deux originaux sur papier par la poste. Nulle contrainte financière, si ce n’est celle de l’informatique. Le projet souhaite apporter une réflexion sur l’apport du numérique à l’édition, en évitant le piège des rengaines habituelles. Le support PDF devient une rencontre entre des artistes peu exposés et des juges reconnus dans le milieu photographique. Des 80 candidatures, 10 sont retenues. Cette année, Baptiste Giraudon l’a emporté, avec son travail Vertical System of an Echo.
La semaine d’ouverture approche, l’effervescence se fait sentir. Les dernières semaines de préparation sont les plus trépidantes. Les projets imaginés au long de l’année prennent enfin forme, bien aidés par l’équipe régie et accrochage. Cette année, Cosmos Arles Book inaugure un nouveau lieu. L’ancien Collège Frederic Mistral est réhabilité. Pour Cosmos, un grand chapiteau sera construit en son sein. Le satellite quitte les ateliers pour se relocaliser en plein centre-ville ; un emplacement nouveau, à part, entièrement dédié au livre photo, pensé dans la continuité exponentielle du développement de Cosmos.
Le succès populaire de Cosmos est aujourd’hui assuré. On demande pourtant aux organisateurs de curieuses améliorations. L’année passée, un souhait revint régulièrement : qu’il fasse moins chaud en Arles ! Malgré son nom, Cosmos ne peut pas tout offrir.
Nom des juges du Cosmos PDF Award :
Sonia Berger – Editeur (Dalpine)
Raphaël Dallaporta – Artiste
Hannah Darabi – Artiste, gagnant du COSMOS PDF AWARD 2015
Frederique Destribats – Editeur (D.Books)
Benjamin Diguerher – Editeur (Pousuite éditions)
Julie Heraut – Production et managment d’expositions (Rencontres Arles)
Hester Keijser – Commissaire indépendant
Patrick Le Bescont – Editeur (Filigranes)
Lesley A. Martin – Editeur (Aperture)
Aurélia Marcadier – Directeur artistique (Photo Saint-Germain)
Grégoire Pujade-Lauraine – Artiste & designeur (MACK)
Annakarin Quinto – Commissaire (leboudoir2.0)
Stephanie Solinas – Artiste
Jerome Sother – Editeur (Gwinzegal)
Eleonora Matteazzi – Editeur (Rorhof)
Cristina de Middel – Artiste, Editeur (This Book is True).
Classement du PDF Award 2016
1 – Baptiste Giroudon (gagnant !)
2 – Leslie Moquin
3 – Jonathan llense
4 – Rita Puig Serra Costa and Dani Pujalte
5 – Louis Matton
6 – Clément Paradis
7 – Massao Mascaro
8 – Andrei liankevich
9 – Gloria Oyarzabal
10 – ex-equo –
Jean-Marie Donat
Yanina Boldyreva
Vitaly Fomenko
INFORMATIONS
Cosmos Arles Books
Du 4 au 9 juillet 2016
De 12h à 20h
Mistral
13200 Arles
France
www.cosmosarlesbooks.com