Une importante exposition est ouverte au Musée du Gouvernement en Inde depuis le 18 avril, Journée Internationale des Monuments et des Sites, elle durera jusqu’au 30 juin, à Chandigarh, la ville idéale conçue et créée par le Corbusier. C’est une exposition de photographie, et l’auteur n’est autre que l’ambassadeur de France à Dehli Emmanuel Lenain. Ce que l’on ne savait pas, c’est qu’Emmanuel Lenain n’en était pas à son premier coup d’essai. En poste en Chine, à Pékin et à Shanghai, ce passionné de la photographie, documente la vie quotidienne et les lieux insolites au cours de ses voyages et déplacements, avec son Leica M6, et développe ses négatifs dans la chambre noire de sa résidence. Avant de quitter la Chine, il a rassemblé ses photos de Chine pour publier le livre « Chine, les Grands Travaux ». Cette série a été exposée et projetée à la Maison Européenne de la Photographie et entrée dans sa collection en 2016. Après un retour au Quai d’Orsay et avoir servi comme conseiller diplomatique du premier ministre, Emmanuel Lenain est nommé en 2019 en Inde, à Dehli. Il n’a pas perdu son temps pour appréhender ce vaste pays si plein de diversité et de couleurs avec son appareil photo mais toujours en monochrome en Noir et Blanc. Il n’y a pas de hasard dans le monde de la photographie, la même année, en 2019 le plus important photographe indien Raghu Rai (membre de Magnum) reçoit à Paris le Prix de la Photographie de l’Académie des Beaux-Arts. Il résulte de la rencontre des deux photographes un croisement de regards et une exposition conjointe en 2022 accompagnée d’un livre intitulé « In India, to Paris », où chacun dévoile et partage sa vision particulière et sa sensibilité humaniste envers une culture « autre ».
L’Inde c’est le pays où le légendaire Le Corbusier a réalisé l’œuvre de sa vie à Chandigarh c’est donc tout naturel qu’Emmanuel soit attiré par la beauté et l’esprit des monuments dessinés par l’architecte visionnaire Charles Edouard Jeanneret, dit Le Corbusier, notamment à Chandigarh, et à Ahmedabad, œuvres toujours vivantes, comme le laisse entendre le titre de son exposition : « la tendresse du béton ». Car les caractéristiques des œuvres architecturales de Le Corbusier sont fondées sur l’usage du béton armé. Si Emmanuel Lenain voit et ressent la tendresse du béton, c’est qu’il veut exprimer la plasticité du béton, remarquable dans le recours intensif au brise-soleil, aux toits à double peau, le soin apporté à l’orientation et aux ouvertures pour faciliter la ventilation et à l’aération, dans le but de s’adapter au climat local, d’où les pilotis, les longues rampes, et les terrasses-jardin. Cette tendresse Emmanuel Lenain la ressent et l’exprime à travers ses propres observations, ses angles de vue, la recherche patiente de la « bonne » lumière, ses réflexions sur le plein et le vide, pour arriver à composer un tableau d’art abstrait, à la Mondrian tout en monochrome Noir et Blanc, et en y glissant des recherches de diagonales et d’ellipses pour varier et chambouler la monotonie des lignes droites, verticales ou horizontales. Les courbes vertigineuses où les plafonds et les escaliers se confondent comme des apparitions à trois dimensions dans les dessins d’Escher. Les intérieurs ressemblent aux espaces et labyrinthes imaginaires des jeux vidéo sophistiqués… On aimerait s’en mettre plein les yeux, encore et encore.
Jean Loh