L’Émilie est une constellation de charmants villages nichés dans la plaine du Pô, le long de l’ancienne route romaine Via Emilia. L’Émilie-Romagne est aussi un endroit où l’industrie automobile touche à l’excellence. Nous faisons référence à la Motor Valley italienne, bien connue dans le monde entier. Ce concept rassemble sous une sorte de marque faîtière une concentration de compétences : un savoir-faire, une réputation et une présence sur le marché dont peu de régions peuvent se targuer dans le secteur du sport automobile.
Et il se trouve que l’Émilie semble aussi avoir une vocation pour la photographie et on peut y faire des parcours intéressants, de centres photographiques en lieux d’exposition d’excellence. Et par cet aspect, le secteur de l’automobile sportive est un bon exemple des similitudes qu’il peut y avoir avec le domaine de la photographie.
Alors pourquoi ne pas considérer cette région comme une véritable Vallée de la photo ? Il y a peut-être encore du travail à faire pour relier les différentes organisations locales en un réseau global, tout en préservant leurs caractéristiques distinctes, afin de développer un système territorial efficace et de taille à être compétitif sur le plan international.
Quant au sport automobile, huit noms mondialement connus (Automobili Lamborghini, Dallara, Ducati, Ferrari, Haas, Magneti Marelli, Maserati et Toro Rosso) ont récemment lancé l’université des véhicules moteurs d’Émilie-Romagne (MUNER). Le monde universitaire s’est également organisé pour former un système intégré. Le résultat : un centre de connaissance qui attire des étudiants du monde entier pour des cours de niveau master destinés à créer les ingénieurs automobiles de demain. Est-il possible qu’une future « Vallée de la photo » regroupe les organisations en lien avec la photographie autour d’un projet similaire ? En effet, cette région peut s’enorgueillir d’une pléthore d’institutions et d’initiatives. Pour n’en citer que quelques-unes : l’université de Parme et le CSAC (Centro Studi e Archivio della Comunicazione), Fondazione Modena, Reggio d’Émilie avec le festival Fotografia Europea, l’université de Bologne (département DAMS) et la Mast Foundation de Bologne, ainsi que le festival Savignano Immagini.
Comme l’a dit Dario Franceschini, le ministre italien de l’Héritage culturel, des Activités et du Tourisme (MiBACT) lors du Stati Generali de la photographie (Reggio d’Émilie, 2017) : « Le savoir-faire et les valeurs devraient être reliés par un travail en réseau dans un système intégré ». Massimo Mezzetti (assesseur à la culture de la région Émilie-Romagne) a déclaré : « Fotografia Europea est un exemple intéressant : c’est un centre d’excellence qui, en collaboration avec d’autres dans la région, peut donner naissance à un “trajet photographique” dispensant visites pédagogiques, expositions, ateliers, laboratoires et enseignement supérieur ».
Pour apprécier les atouts de la région, on peut passer en revue toutes les manifestations qui ont lieu avant l’été : la douzième édition de Fotografia Europea, avec de nombreuses expositions sur le thème « Cartes temporelles » : les souvenirs, les archives et le futur envahissent la ville. Récemment, certaines organisations se sont déjà associées en tant que partenaires de Fotografia Europea : Fondazione Maramotti, Csac, Mast, Fondazione Fotografia. Mais il y a bien plus encore dans la Vallée de la photo en ce moment, par exemple les expositions à Parme : Higher Learning de Patti Smith (université et commune di Parma) et The NY Scene (commune di Parma et Photology). De plus, ces derniers mois, les univers de la photo et de l’automobile sportive sont réunis dans l’exposition Ayrton Senna, l’Ultima notte, au musée Lamborghini (Sant’Agata Bolognese), qui accueille pour la première fois une exposition de photos.
« Depuis le début des années 70, la région d’Émilie-Romagne (surtout Modène et Reggio d’Émilie au tout début) a abrité un ensemble de personnes telles que Luigi Ghirri, Franco Fontana, Franco Vaccari, qui y travaillaient et échangeaient des idées. À Modène, Oscar Goldoni a conçu avec eux des expositions destinées à promouvoir de jeunes photographes comme Gabriele Basilico ou Vincenzo Castella. À Parme, Arturo Carlo Quintavalle a organisé des événements, comme celui de Walker Evans. La Galleria Civica (ancienne Sala della Cultura) de Modène et le nouvellement installé Csac de Parme sont des lieux où la photographie italienne se réinvente. C’est peut-être là l’origine de la situation actuelle, » explicite Walter Guadagnini, commissaire d’exposition de Fotografia Europea. Chiara dall’Olio, responsable d’exposition à la Fondazione Fotografia Modena ajoute : « Certains artistes qui vivaient ou travaillaient dans cette région (Franco Fontana, Cesare Leonardi, Luigi Ghirri, Bepe Zagaglia, Franco Vaccari) ont réussi à trouver des lieux pour faire des expositions et des événements, grâce aux opportunités fournies par l’interaction entre la gestion du bien-être public et les politiques culturelles. C’était une chance unique qui a sans doute contribué à faire de Modène un point de référence pour la photographie d’auteur dans les années 70. »
Depuis lors, la région semble particulièrement sensible à la photographie, et les administrations ont accordé des espaces aux jeunes talents pour s’exprimer dans des langages artistiques contemporains comme la photographie.
« Quand on pense à MAST, Fondazione di Fotografia, Fotografi Europea et au Csac, mais aussi à Linea di Confine à Rubiera ou l’Osservatorio Fotografico à Ravenne, et d’autres établissements de cette qualité, on peut vraiment dire que l’Émilie-Romagne s’intéresse de près la photographie, » affirme Urs Stahel, commissaire d’exposition de MAST Photogallery. Les raisons ? « C’est difficile à dire : c’est peut-être une vocation pour les récits oraux ou écrits, pour l’histoire, ou dû au fait que la région a eu une certaine importance dans les films italiens des années 50. Peut-être que le DAMS de Bologne a joué un rôle aussi. Il serait important de relier toutes ces institutions pour attirer un public international encore plus important ».
Quant à Paolo Barbaro, commissaire du département photographique du CSAC, il discerne d’autres causes possibles cette situation : « Il y a ici un grand nombre d’associations de toutes sortes, notamment en lien avec la photographie, et qui sont très actives. Par ailleurs la richesse de la structure économique a fourni du travail aux photographes. Parme, son université et le CSAC ont eux aussi joué un rôle : Arturo Carlo Quintavalle a créé ici les premières archives universitaires dédiées à la communication visuelle, les premières archives publiques destinées à préserver la photographie historique et contemporaine, et, depuis les années 70, un programme très fourni d’expositions de photographies d’auteur ; et des publications scientifiques sur le sujet sont également prévues. Par exemple, Ugo Mulas, Mario Giacomelli, Luigi Ghirri et Nino Migliori ont exposé ici, et certains photographes sont devenus d’éminents professeurs d’université ».
Paola Sammartano
Paola Sammartano est une journaliste spécialisée dans l’art et la photographie et basée à Milan en Italie.
Pour plus de renseignements :
www.beniculturali.it
www.archivifotograficionline.it
www.fotografia.italia.it
http://cultura.regione.emilia-romagna.it
www.fotografiaeuropea.it
www.mast.org
www.fondazionefotografia.org
www.csacparma.it