15 août 2021, Kaboul tombe aux mains des Talibans, le pays s’écroule. Les Américains retranchés dans l’aéroport tentent d’évacuer un maximum de personnes, c’est la fin d’une guerre de 20 ans. C’est la fin d’un monde, la fin de « la toute puissance américaine ».
Faisant partie de cette génération dont l’entrée dans l’âge adulte a été marquée par la tragédie des attentats du 11 septembre 2001 et des guerres qui ont suivi, cet évènement me paraît d’autant plus marquant qu’il semble clôturer cette doctrine post 11 septembre de la « guerre contre le terrorisme » instaurée par G. W. Bush qui régissait en grande partie l’ordre de la géopolitique mondiale.
Qui sont ces Talibans ? Qui sont ces combattants des montagnes mal équipés qui ont triomphé sur la 1ère puissance militaire mondiale ?
Malgré les craintes justifiées qu’en a l’Occident et les représentations faites par la presse, qui sont ces hommes ?
En dehors de l’idéologie brandie par leurs chefs dont seule la parole est audible, quel est leur imaginaire ?
Ce projet a été mis en place en octobre 2021 en Afghanistan, malgré l’hostilité du régime Taliban qui a tenté d’empêcher sa réalisation. Il est constitué de 22 portraits de combattants Taliban.
Je les ai photographiés avec une lumière frontale afin d’aplatir les visages et les silhouettes, à la manière des miniatures persanes, puis leur ai demandé de raconter leur monde rêvé.
Ici l’utilisation de «monde rêvé » et non de « monde idéal » permet de laisser davantage recours à l’imaginaire et ainsi de mieux comprendre le regard de ces individus. Ce registre facilite la libération de la parole et le contournement de la censure mise en place par ce nouveau régime.
J’ai demandé ensuite à des peintres de camions d’illustrer ces mondes rêvés et de les peindre autour du portrait photographique de chacun de ces Taliban (les camions au Pakistan et en Afghanistan sont très richement ornés et minutieusement peints).
Trucks & Taliban
Dans les années 90, la première victoire majeure des Taliban a été de sécuriser la route reliant Peshawar à Kaboul, permettant ainsi le passage des camions venant du Pakistan vers Kaboul. Cette victoire leur a valu un important succès populaire.
Lors du 1er régime Taliban alors que la censure était extrêmement présente, les seules représentations figuratives tolérées étaient celles qui ornaient ces camions entièrement peints.
L’intention de ce projet n’est pas de porter un jugement, mais de prendre ces combattants pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire des acteurs de ce moment charnière de l’Histoire et ainsi d’en garder une trace. Ces images constituent également une réflexion sur l’influence de la miniature persane dans l’iconographie contemporaine afghane, que ce soit l’iconographie photographique sur le portrait ou dans celle des peintures de camions, et ce malgré la dimension iconoclaste du régime Taliban.
Pour soutenir se projet en cours : https://www.kisskissbankbank.com/fr/projects/talibans-dreams
