Rechercher un article

Elizabeth Heyert, L’outsider

Preview

Célèbre pour son approche non conventionnelle du portrait photographique, notamment pour sa trilogie The Sleepers (« Les Dormeurs »), The Travelers (« Les Voyageurs »), The Narcissists (« Les Narcissiques »), l’artiste photographe américaine Elizabeth Heyert reprend son rôle d’observatrice et de voyeuse dans sa dernière série, The Outsider (« L’Etranger », Damiani, octobre 2017), réalisée en Chine entre 2014 et 2016. Elle a découvert un monde moderne, mu par la technologie, où partout, les gens se prenaient en photo avec des appareils, des Smartphones ou des iPads.

En 2014, je me suis lancée dans le projet de photographier les Chinois en train de se prendre en photos. Le rituel des Chinois amateurs de photographie me fascinait. Ils n’arrêtaient pas de prendre des photos, souvent sous le regard de membres de leurs familles qui leur donnaient des directives, et dans une intimité avec leur environnement proche de la mise en scène. Pendant les deux années qui ont suivi, j’ai voyagé à Pékin, Shanghai, Suzhou et Hangzhou, me frayant péniblement un chemin à travers d’énormes foules pour découvrir et photographier des moments intimes entre des gens qui m’étaient étrangers. Ne connaissant aucun mot de chinois, j’ai travaillé comme un fantôme silencieux, errant avec mon ancien Leica et mon Tri X dans un pays où les pellicules ne sont même plus en vente. Rares sont les Chinois qui possèdent de vieilles photos de famille, car beaucoup ont été détruites pendant la Révolution Culturelle. C’est peut-être ce qui explique l’intensité de l’activité photographique dont j’ai été le témoin au cours de mes voyages. J’intitule ce projet L’ETRANGER, parce qu’en tant qu’Occidentale voyageant en Orient, étrangère dans une culture en quête d’authenticité, je me suis laisser être spectatrice de la relation photographe / sujet. Ces portraits sont des portraits de Chinois par des Chinois. En négligeant mon rôle habituel de portraitiste, je suis devenue le témoin oculaire de la naissance d’une nouvelle mémoire visuelle collective.

Pourtant, en tant qu’étrangère, je ne peux pas être certaine que ce dont j’ai été témoin me rende plus consciente de la vérité. Les jeunes femmes chinoises portant des lunettes de soleil Chanel et des vêtements de créateurs posaient-elles sur le mur représentant la Révolution ouvrière parce qu’elles admiraient le décor, ou pour prendre une position politique ironique ? Les fiancés se prenant dans les bras devant le paysage urbain surréaliste de Shanghai restaient-ils accrochés l’un à l’autre parce qu’ils s’aimaient intensément ou en raison d’une angoisse désespérée ? Les foules de Chinois avec leurs appareils préservent-elles le souvenir de moments heureux ou inventent-elles ces moments pour les immortaliser dans leurs photographies ? Ou bien essaient-il d’effacer leurs souvenirs, de laver l’horreur des années difficiles en se créant une histoire personnelle optimiste, fraîche, moderne ? J’ignore les réponses à ces questions.

 

Elizabeth Heyert 

Elizabeth Heyert est une photographe américaine. Elle vit et travaille à New York, aux Etats-Unis.

 

Elizabeth Heyert, The Outsider
Publié par Damiani
30$ / 25£

www.damianieditore.com

Merci de vous connecter ou de créer un compte pour lire la suite et accéder aux autres photos.

Installer notre WebApp sur iPhone
Installer notre WebApp sur Android