Son nom Nicole Wisniak, son magazine Egoïste. Le plus beau du monde. Le nouveau numéro sort aujourd’hui. On l’attendait depuis trois ans et demi. Il y a 25 ans, j’avais écris dans Photo ces quelques lignes sur Nicole. A part quelques disparus, rien n’a changé à sa flamboyante démarche.
“Votre page de publicité est laide, je n’en veux pas. Gardez votre argent ou changez votre visuel.” Aucun éditeur au monde ne tient aujourd’hui ce genre de propos. Aucun, sauf Nicole Wisniak, directrice de l’Egoïste, un magazine sublime dont la périodicité arrive selon son humeur, c’est-à-dire entre 9 et 15 mois. Qu’est ce qui fait qu’une parodie de journal dont la directrice même admet qu’il est né, conçu, dirigé et fabriqué de son lit, soit aujourd’hui le comble de la sophistication et la frustration rentrée des autres éditeurs à succès ? Le talent. Derrière l’Egoïste, une jeune femme de 35 ans, plus que belle: séduisante, jouant avec les mots aussi bien qu’avec les idées. Son journal, elle y croyait il y a 10 ans déjà. Les trois premiers numéros furent ratés, qu’importe, elle persévéra. Aujourd’hui elle a réussi, grâce notamment à ses cercles magiques qu’elle a tissés autour d’elle et qui ne lui refuse rien. Ses parents d’abord qui ont financé les débuts, payé la photogravure, la composition, le papier, et amoncelé les invendus dans leur appartement.
Les deux plus fidèles collaborateurs ensuite, sa soeur Isabelle avec qui elle se dispute tout le temps et Philippe Morillon, directeur artistique maquettiste. Le second cercle lui, est photographique. Helmut Newton grâce à June, rencontrée un jour chez le coiffeur. Richard Avedon, Bettina Reims, Daniel Jouanneau. Le troisième cercle bis est aussi important: les collaborateurs intimes, Inès de la Fressange, Caroline de Monaco, Françoise Sagan, François-Marie Banier, Karl Lagerfeld.
Le reste, elle le raconte mieux que quiconque, à l’origine du journal une seule idée : « Travailler en m’amusant avec des gens que j’admirais beaucoup et à qui j’offrais une carte blanche totale. Distraire, séduire, étonner et ne rien interdire. Mon ignorance me permettait toutes les audaces et le titre toutes les provocations. C’est vrai que je ne suis pas un éditeur de presse classique, je suis capricieuse et idéaliste, rigoureuse dans mes choix et je fais ce journal d’abord pour mon plaisir et celui de mes proches. Toutes les affirmations caricaturales que l’on m’attribue sont vraies. Je sors que plus souvent que mon journal, c’est vrai. Je travaille dans mon lit, oui. Autour de moi que des amis, ceux qui l’étaient avant et ceux qui le sont devenus. C’est cela le luxe, il faut quand même la persévérance, le luxe, c’est aussi la pénurie. Voilà pourquoi je tire systématiquement en dessous de mes possibilités de vente. Il me plaît que trois semaines après sa sortie le numéro soit épuisé. J’aime l’idée que l’on ne puisse plus trouver mon journal. Le vrai luxe, c’est la rareté, l’exception et le défi. J’étais pauvre et passionnée. Je le suis toujours. Là est la volupté. »
Jean-Jacques Naudet