Avec son projet Normandie, le photographe espagnol Eduardo Nave nous montre comment certains événements articulent de nouvelles significations dans le paysage, en particulier ceux qui ont eu lieu le jour J sur la côte française. Le projet parcourt les cinq plages du jour J – dont les noms de code étaient à l’époque Utah, Omaha, Gold, Juno et Sword – dans une série où les passants, les baigneurs et les couchers de soleil coexistent avec les structures métalliques qui se dressent encore comme d’anciens monuments de notre passé en temps de guerre.
Le 6 juin 1944, des milliers d’hommes se sont battus sur cinq plages portant les noms de code Utah, Omaha, Gold, Juno, et Sword. Un an plus tard, la guerre en Europe prendrait fin. Le projet parcourt ces plages dans une série où les passants, les baigneurs et les couchers de soleil coexistent avec les structures métalliques qui subsistent encore, comme d’anciens monuments de notre passé guerrier, nous aidant à comprendre comment certains événements articulent de nouvelles significations dans le paysage.
Ce projet a été réalisé à différents moments : entre 2003 et 2005, les premières séries ont été réalisées : Les rivages du débarquement y Mulberry Harbour. En 2019, année de la commémoration du 75e anniversaire du débarquement en Normandie, le photographe retourne sur les plages pour une autre forme d’immersion, en utilisant cette fois les nouvelles technologies pour capturer des éléments, des environnements et des vestiges de la côte qui ont échappé à son regard lors de ces premiers voyages. Nous pouvons ainsi contempler les vestiges des quais et des plages d’en haut, d’un point de vue similaire à celui des pilotes. En même temps, cela nous donne l’occasion d’expérimenter depuis l’eau ce que les soldats ont dû ressentir lorsqu’ils se sont rendus sur la plage.
Le débarquement en Normandie a marqué le début de la fin de la Seconde Guerre mondiale, un événement important gravé dans la mémoire du XXe siècle. Mais que se passe-t-il lorsqu’un lieu s’inscrit dans l’histoire, le paysage peut-il en conserver la mémoire ?
L’espace représenté par le photographe contient une fissure liée à notre passé. Latente comme les restes d’une blessure, elle attire l’attention du photographe et du spectateur, car pressentir les ruines d’une bataille du présent, c’est aussi se confronter à ses fantômes.
Tout ceci est une réflexion sur le poids et l’empreinte de l’histoire qui a été piégée dans la lumière de ces plages, où des milliers d’hommes sont tombés dans un enfer de mines et de tirs qui ont généré des milliers de morts, qui sont restés liés au fracas constant des vagues. Lorsque nous regardons de près ces plages à travers un appareil photo, nous percevons un tremblement qui transcende le visuel, car la photographie, en utilisant la poétique de la contemplation du lieu, nous rend participants de notre histoire.
Isabel Hernández