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Edmund Clark –Guantanamo

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Le milieu de l’incarcération est pour Edmund Clark un reflet de la culture, donnant des indices sociaux, politiques, économiques et historiques sur l’identité d’un pays. Dans le cas de Guatanamo, l’institution et ses méthodes permettent de saisir la façon dont un Etat négocie avec la peur du terrorisme au moment ou culmine le chaos. Avec le recul de l’historien, il étudie ce microsystème sous l’angle de l’espace domestique quotidien : les cellules, la base navale où vivent les militaires et les maisons des détenus avant ou après leur période de détention, trois espaces distincts qu’il mêle dans une narration complexe guidée essentiellement par les motifs, les formes et les couleurs. Dans un contexte de contrôle total et de recherche d’informations, les autorités font appel à des méthodes psychologiques qu’Edmund Clark traduit photographiquement, exprimant l’invisible par le seul moyen de caractéristiques esthétiques. L’enfermement, la désorientation, la perte de repères sont autant d’éléments inhérents à cette série dont le texte explicite est quasiment proscrit. Evitant l’approche frontale, il nous soumet au même traitement que les prisonniers. Avec des cadres serrés et une lumière froide mimant l’artifice des néons et ne donnant aucun indice temporel, ses compositions strictes et précises n’acceptent pas le flou et insufflent un caractère scénique et fictionnel à l’espace. La difficulté d’authentification des lieux relève d’un questionnement de la réalité propre aux méthodes du camp. Chaque élément susceptible de faire le lien entre le détenu et le monde extérieur porte l’empreinte de Guantanamo. Les lettres reçues et dont Edmund Clark présente une sélection sont scannées, tamponnées et révisées par les autorités. L’objet final remis au détenu est un simulacre de réalité, contribuant à la confusion générale ou nuit et jour se ressemblent, ou les calendriers sont interdits, ou l’égarement déclenche l’aveu. La photographie d’Edmund Clark est en cela aussi documentaire que conceptuelle. Loin de l’iconographie directe et paradoxalement déshumanisante impliquant violences humiliantes et tenues oranges impersonnelles, l’humain apparaît dans cette série par synecdoque : couverture pliée sévèrement, biens de première nécessité pointant dans un espace dépouillé, touches colorées évoquant le monde extérieur. Une photographie, sobre, d’une rose plongée dans un vase carré, résume cette métaphore de l’humain dans un rapport tendu entre l’espace intérieur et extérieur, symbole de liberté enfermée dans un aquarium asphyxiant dont la transparence est compromise par le suintement de la fleur à laquelle on inflige un tel traitement. Cette confusion générée par le chevauchement de concepts contradictoires atteint son paroxysme dans la vidéo présentée à l’occasion de l’exposition : les cartes postales aux représentations rassurantes ou humoristiques défilent au rythme d’une bande audio monotone mêlant témoignages des horreurs subies lors des séances d’interrogation et la lecture des articles de la convention internationale à laquelle est soumis le camp de détention de Guantanamo. Ces trois couches d’information divergent jusqu’à prendre un nouveau sens, mettant à mal nos certitudes quant a ce que l’on définit comme réalité.

Laurence Cornet

Exposition
Edmund Clark – Guantanamo: If the light goes out
Du 30 novembre 2012 au 12 janvier 2013
Flowers
529 West 20th Street
New York NY 10011
USA
T : +1 212 439 1525

Livre
Guantanamo : If Light Goes Out” 
Photographs by Edmund Clark

Textes de Julian Stallabrass et Omar
Dewi Lewis Publishing

192 pages

£35.00

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