Synonyme d’art de voyager depuis 1854, Louis Vuitton continue d’ajouter des titres à sa collection « Fashion Eye ». Chaque livre évoque une ville, une région ou un pays, vu à travers les yeux d’un photographe. Le Texas de Sean Thomas forme un condensé de la culture ouest-américaine, qui surpasse ses stéréotypes par un approfondissement chaleureux de la culture western.
Il s’avère difficile de faire plus américain que la culture western. Et plus western que le Texas. Le photographe Sean Thomas soutiendrait bien volontiers ce syllogisme, dénué croyez-moi d’ironie, mais fondé sur un simple constat. Lui-même affirme que « le Texas forme la référence en matière de représentation de l’Ouest américain aux yeux du monde ». Et son livre, composé avec le soin d’une déambulation dans les villes de l’état américain arpente ses lieux topiques, des ranchs aux rodéos pour y former le parangon de cette culture si profondément ancrée outre-Atlantique.
Le lecteur pourrait s’arrêter à la somme des représentations pour s’en faire une idée toute simple, quelque peu stéréotypée. C’est l’immédiat revers d’une culture ancrée dans une imagerie puissante. Il ne verrait alors qu’une succession de santiags et Stetson, de chemises à carreaux, de jeans larges et grosses boucles à la ceinture, de chevaux tenus à la bride, de gueules sérieuses et fières, de bouges aux néons rigolards et la poussière des bushes en toile de fond. Un déluge de drapeaux américains, le buste haut, la mine faraude. Ce serait vite dit, vite peint, comme à ne plus voir chez les nomades arpentant n’importe quel désert plus bas au sud des chameaux, étoffes, thé fumant et autres stéréotypes trompeurs.
La photographie, quand elle se penche sur une culture et vise à dessiner ses contours géographiques, peut tomber dans le stéréotype. Elle peut charrier son lot de représentation, servir une propagande, s’amuser et se grincer d’une culture ou en renforcer à gros traits son mythème. La photographie est tout usage ; l’image par essence n’a que la vérité d’une tromperie. Elle est sens, signifié, signifiant depuis Barthes et sous cet angle analytique, Sean Thomas viendrait donner à l’imaginaire texan un peu plus de foin, ni plus ni moins.
Mais elle peut, sous un angle plus simpliste, et pour autant tout aussi puissant simplement se suffire à son propos. C’est le parti-pris du réalisme, qui utilisé avec parcimonie, s’avère élégant comme puissant. En l’occurrence, ses images sont pensées comme le continuum d’une conversation. Plus encore, comme un cri d’amour et de ralliement. Ses Texans derrière l’objectif paraissent loin des postures figées, usitées, des films de second rang. Le sujet est regardé au bout d’une parlote, d’un moment partagé, passée à fumer, boire et rire. Sean Thomas s’enamourache de son sujet. Devant son objectif, l’adolescente au lasso paraît plus rigolard que statuesque. Et le jeunot impubère un peu digne dans son chemin tortueux vers la grandeur.
Il y a tout au long de l’ouvrage la justesse du portrait et de la scène saisie. Le photographe varie les regard, parfois amusés quand il s’agit d’isoler les détails d’un concours de beauté ou les jeux érotisés des nuits d’ivresse, parfois complice pour cette culture où l’animal et l’homme vivent dos à dos et côte à côte. Dans son entretien avec l’éditeur Patrick Rémy en fin d’ouvrage, Sean Thomas cite comme référence iconographique le travail de Jo Mora sur la culture western (Le Cow-boy en selle, André Bonne, 1958), « aussi abstrait qu’hilarant ». Ajoutons à ces deux adjectifs celui, souvent usité et moqué, de tendre pour caractériser le Texas de Sean Thomas.
Sean Thomas – Texas
Editions Louis Vuitton, collection Fashion Eye, 2023
23,5 x 30,5 cm (Longueur x Hauteur), 112 pages
Edité par Patrick Rémy et Anthony Vessot
Direction éditoriale : Axelle Thomas
Graphisme : Lords of Design
112 pages
Disponible en librairie et en ligne