C’était en juin 1978, le numéro #129 de PHOTO.
Un portfolio intitulé Operation Helico et signé Cheyco Leidmann.
Cet inconnu que le directeur artistique de PHOTO: Eric Colmet Daage publia 3 fois en un an devint l’une des stars de la photographie de l’époque.
Son premier livre Foxy Lady puis un second Banana Split allaient être des triomphes d’édition.
C’est à lui et à sa compagne Ypsitylla von Nazareth que nous consacrons cette journée !
JJN
PHOTO 1978
Opération Helico
Les photos aériennes commandées à Leidmann…qui a horreur du vide
Rien, vraiment rien ne destinait Cheyco Leidmann, un jeune photographe allemand de vingt-neuf ans, à réaliser ces étonnantes photos d’hélicoptère. D’abord, il hé hé B a une peur bleue des transports aériens et une terreur incoercible pour les évolutions de ce gros insecte qui vous suspend dans le vide et vous contraint à vous pencher par la portière pour faire le moindre cliché. Et puis Leidmann n’a qu’un seul jardin photographique : la mode et la beauté. Mais voilà, depuis quatre ans qu’il est photographe, on ne lui propose que des clichés publicitaires pour la bière, les cigarettes, les produits ménagers et les voitures. Son calendrier pour BMW a même remporté l’un des prix du concours international Kodak en 1976. Depuis , la marque allemande d’hélicoptères MBB (Messerschmidt – Bölkow _ Blohm) n’a eu de cesse qu’il accepte un budget hollywoodien pour un calendrier de prestige montrant ses produits. Alors Leidmann a accepté, a étouffé sa peur et s’est promené pendant un mois au-dessus de la Bavière, de l’Allemagne du Nord, de l’Ecosse, de la mer du Nord, des Alpes et de la Suisse. « C’est un boulot d’enfer, dit-il, que de photographier depuis un hélicoptère. D’abord, il y a des trous d’air incessants. Ensuite, un hélicoptère se déplace très vite, ce qui impose, pour obtenir un bon cadrage, un grand nombre d’aller et retour, de messages, d’indications et de mouvements. Enfin, pour ne pas avoir dans le viseur les pales du rotor, il faut, pour chaque cliché, synchroniser un mouvement de pilotage précis avec une acrobatie du photographe, « plongeant » vers le bas par la porte ouverte. Un jour, de cette façon, ma cellule s’est détachée. Le pilote était blême. « Si elle avait heurté quoi que ce soit, nous nous écrasions, m’a-t-il avoué ». Aujourd’hui, Cheyco Leidmann n’a plus peur de l’hélicoptère. Il a néanmoins refusé de réaliser un nouveau calendrier pour la MBB. Il a quitté Munich et s’est installé à Paris, à l’ombre du square Carpeaux. Il pensait ainsi se rapprocher des clichés de mode et de beauté. Il n’en a rien été. Il est toujours aussi sollicité par la publicité, mais il attend encore sa première chance « éditoriale ». Nous la lui souhaitons…
PHOTO 1979
Succès oblige : Cheyco Leidmann visait le « chiffon », mais c’est la publicité qui l’a rendu célèbre
Il y a exactement un an, nous publiions le premier portefolio de Cheyco Leidmann : ses hélicoptères. Leidmann venait de quitter Munich pour s’installer à Paris, à l’ombre du square Carpeaux. Il pensait ainsi se consacrer davantage à la photo de mode et de beauté, sa seule véritable passion photographique. Il n’en a rien été. Il est toujours aussi sollicité par la publicité et attend encore sa première chance « éditoriale ». Sa longue marche l’a conduit à Los Angeles, où il a décidé de s’installer quelque temps. Là-bas, on lui a offert un pont d’or pour réaliser deux calendriers et diverses campagnes de publicité. Cheyco Leidmann est donc toujours partagé entre l’insatisfaction d’être tenu à l’écart du « monde du chiffon » et le bonheur d’être devenu, en trois ans, l’un des plus doués et des plus demandés des photographes de sa génération.
Son mariage de raison avec la « pub », Cheyco Leidmann en a scrupuleusement respecté le contrat. Lui qui, il y a quelques mois encore, déclarait : « Je ne connais rien la technique, je suis incapable de refaire une photo déjà réalisée, je ne comprends rien à tous ces trucs compliqués. Il y a même des boutons sur mon appareil dont je ne sais pas l’usage Parfois, je me fais aider par des amis… ». Toutes ces provocations sont oubliées aujourd’hui.
Avec ses images extrêmement précises, colorées, mises en scène, Cheyco Leidmann n’est pas loin de prendre la relève des grands coloristes américains, bien que, comme tant d’autres, à la question ; « Quelles sont vos influences photographiques ? », ils répondent le même nom, inlassablement répété : « Guy Bourdin, Guy Bourdin, Guy Bourdin… ».
Cette admiration s’exprime aussi dans ses clichés, qui pourtant sont très personnels…
PHOTO 1982
Le prince de la pub
Bananasplit
Cheyco Leidmann : « Dans six mois, j’arrête »
« Dans six mois, j’arrête la photographie. Je décroche. Définitivement ? Je ne sais pas encore, probablement, oui.. »
C’est ainsi que Cheyco Leidmann a profité de son dernier livre « Bananasplit », publié aux éditions Love Me Tender, pour nous annoncer sa retraite de l’image fixe à trente-trois ans. Curieuse carrière que celle de cet allemand vivant à Paris, enfant chéri de « PHOTO » qui le fit connaître en 1978 : en plein succès, il choisit de s’en aller ailleurs voir ce qui se passe.
« La photographie vingt-quatre heures sur vingt-quatre, c’est trop dur. La créativité quotidienne, c’est impossible ou alors je finirais par copier les autres ou par me plagier moi-même. C’est ce que vous voulaient mes éditeurs : un « Foxy Lady n°2 ». Il faut casser, se régénérer, renaître, voyager, passer à autre chose, changer de passion. Car c’est particulièrement pervers, la photographie, surtout dans la publicité.
Je n’ai jamais eu la chance de pouvoir faire de la mode ; peut-être dans ce domaine, est-ce différent. J’aime le succès, j’adore les compliments mais ce ne sont pas des raisons pour me vautrer dedans pendant vingt ans. C’est aux jeunes de prendre la relève. Il y en a plein que ce métier fait rêver. Qu’ils fassent leurs preuves. Je veux cesser de courir, de convaincre, de séduire. Je veux même changer de vie privée. J’ai tout donné pour réussir, il est normal que j’aie été payé en retour. Riche ? Même pas ! Je n’ai jamais eu assez d’argent, même maintenant. De toutes façons, trop ou trop peu, c’est la même chose.
Avant de partir, je publierai mes deux derniers livres. Ils sont déjà terminés.
Juste avant le départ : ce sera le cadeau d’adieu à ceux qui ont encouragé et aimé mon travail. »
Et puis, qui sait ? Rendez-vous dans dix ans, peut-être.