Dans un objet sensible et curieux, l’artiste espagnole explore son obsession pour les oiseaux qui peuplent nos espaces et portent de très nombreuses symboliques. Elle a réalisé de somptueux collages qui, réunis dans un livre, forment comme un encyclopédie poétique pour célébrer le volatile. Ícaro est un livre publié par Edicions Anomalas et co-édité avec la Comunidad de Madrid.
Un jour qu’elle se promenait, à l’affût de pigeons qu’elle aime tant photographier, Irene Zottola est tombée sur un ouvrage en lambeaux, près d’une poubelle en verre et d’une crotte de chien, qui était dédié aux oiseaux. Elle en a sublimé le contenu en le travaillant avec des collages personnels, ajoutant ici les images d’un livre que sa mère lui avait offert lorsqu’elle était enfant et là des dessins personnels.
En est né peu à peu ce très bel ouvrage, d’un format plutôt petit et qui valorise la préciosité du contenu, avec un papier chaud qui boit l’encre et des fragments de textes sur les oiseaux que l’artiste a voulu monter en épingle ou au contraire effacer.
Il est vrai qu’à lire certains passages, les oiseaux ont cette dimension céleste que nous oublions parfois, porteur de notre propre animalité, comme l’explique bien cette observation purement scientifique, mais qui trouve un écho profondément poétique dans le livre d’Irene Zottola :
« L’oiseau réagit activement à tout ce qui l’entoure, repère rapidement les dangers, remarque les changements de situation et absorbe tout ce qui se passe autour de lui, mais il ne réfléchit pas, son action est instinctive. »
Hirondelle
Le parti pris de l’artiste est de faire sentir au fil des pages une certaine atmosphère d’évanescence, comme s’il fallait plisser les yeux pour bien voir la beauté des volatiles et comment la plume et l’aile nous fascinent autant qu’elles nous hantent, parcourant les pages, ici en pure évocation, là avec un gros plan étonnant.
Baptisé « Ícaro », son projet est évidemment un clin d’œil au mythe grec qui a voulu que le fils de Dédale aille trop près du soleil au cours d’un vol et finisse par s’écraser, ayant eu l’insanité de tutoyer les cieux, domaine réservé aux dieux, et interrogeant ainsi nos limites humaines, notre folie des grandeurs que nous ne pouvons contenir.
Mais le travail d’Irene Zottola pointe aussi quelque chose d’intéressant d’un point de vue des mots. Le terme de « ciel » (en espagnol « cielo ») a un lien avec le terme « ciseau » et l’idée de
« ciseler ». Cela, parce qu’à l’origine il a un lien avec le mot latin qui veut dire « couper » et lui- même avec le terme qui désigne quelque chose qui tombe, qui vient d’en haut pour aller vers le bas. Son livre en témoigne avec tous ces morceaux coupés, puis recollés, ces traces de ciseaux et de déchirures.
Et le peintre Georges Braque d’écrire justement : « C’est ainsi que le poète peut dire : ‘une hirondelle poignarde le ciel’, et fait d’une hirondelle un poignard. »
Jean-Baptiste Gauvin
Irene Zottola : Ícaro
publié par Edicions Anomalas et co-édité avec la Comunidad de Madrid.