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Duane Michals et ses définitions du portrait

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Pour ce nouvel ouvrage publié par Thames and Hudson, le photographe américain Duane Michals rassemble ses meilleurs portraits et nous explique ses principes sur cette technique, avec son humour habituel.

 

Il existe quatre types de portraits photographiques:

1 – Sujet debout et regard fixe

À l’époque des premiers daguerréotypes, la tête des sujets était fermement maintenue par une sorte de tenaille, pour l’empêcher de bouger et provoquer une image floue – ce qui n’était pas admissible. Avec le temps, au fur et à mesure que la sensibilité ISO des pellicules a augmenté, le procédé est devenu obsolète. Pourtant, la position debout avec regard fixe est restée de rigueur. Pendant toute mon enfance, ma mère m’a pris en photo dans le jardin derrière la maison en compagnie de membres de ma famille venus nous rendre visite depuis Chicago. Elle se concentrait sur son Brownie afin de composer son image tout en nous ordonnant de sourire. Les photos de nos proches, tout sourire et regards plissés sous le soleil de l’après-midi, sont devenus l’emblème de leur visite à McKeesport. La seule ambition de ses portraits amateurs était de figurer dans notre album de famille. Il y avait dans la simplicité de ces clichés ordinaires une innocence maladroite teintée d’élégance naïve.

De nos jours, cette tradition du sujet debout au regard fixe prétend à une dimension artistique. De Nadar à Diane Arbus en passant par August Sander, elle a évincé tous ses héritiers et atteint la gloire. Son praticien le plus éminent est Rineke Dijkstra, avec ses célèbres portraits d’adolescents sur une place, de soldats israéliens et d’enfants dans un parc. Leur regard fixe et vide est évocateur des objets composant une nature morte. Nous apportons à ces images ce que nous avons envie de croire, sans la moindre validation de la part des sujets eux-mêmes. Nous pouvons nous poser des questions et nous demander par exemple ce que pensent les soldats israéliens des Palestiniens ou des privilèges de la classe religieuse. Comment les angoisses de ces silhouettes de papier posées sur une place des Pays-Bas s’identifient-elles à celles de vraies jeunes gens sur une plage du New Jersey ? Nous n’en saurons jamais rien, et ne pouvons procéder qu’à une simple description. Où est la vision ? La vision, c’est la signature de l’artiste.

Dijkstra charge le portrait traditionnel de catégories conceptuelles, mais il s’agit là d’une seule et même solution. Seuls les visages ont été changés pour protéger les innocents. En dépit de ses ambitions artistiques, Dijkstra l’observatrice reste démunie.

Lorsque l’on regarde un portrait, que voit-on en réalité ? Une posture, une attitude. Mais qui est vraiment là ?

J’ai connu ma mère et mon père pendant une bonne part de ma vie et pas une seule fois ils ne se sont révélés à moi. Une image d’eux, dans les bras l’un de l’autre, ne vous dira pas qu’ils ne se sont pas embrassés depuis quarante ans et qu’il buvait trop. Comment pourrais-je révéler leurs secrets d’un simple cliché ? Renégocions les règles éculées de la photographie avec du texte, ou peut-être des histoires, ou des annotations. Il faut regarder derrière le rideau photographique pour découvrir un nouveau genre de solution. Il sera peut-être nécessaire de redéfinir le portrait. Même si la technique du sujet debout au regard fixe est légitime, pourquoi ne pas étendre notre vision vers la personnalité du sujet, et aller au-delà des apparences ?

Comment nous y prendre pour arrêter de regarder des gens, alors que nous devrions diriger notre regard à l’intérieur de leur être ? Le contenu émotionnel anime le portrait-nature morte. Sans émotion, il reste mort. La portraiture a pris de l’âge. Elle s’est empâtée et se repose sur ses lauriers, tranquillement accrochée aux murs des musées.

2 – Portrait prose

Le portrait prose raconte l’histoire d’une personne. Le sujet devient le héros de son histoire et une part de sa nature se révèle dans l’intrigue. J’ai photographié Michael Richards, dont la personnalité amusante a incarné Cosmo Kramer, l’idiot comique de la série télévisée Seinfeld. J’ai été enchanté d’apprendre que lui et moi partagions la même admiration pour le comique de Jacques Tati, en la personne de M. Hulot. J’ai décidé de le photographier comme personnage d’un instant Hulot.

3 – Portrait annoté

J’écris mes pensées et mes remarques sur le sujet. Je m’exprime.

4 – Portrait imaginaire

C’est mon idée de ce qu’une personne est peut-être, et j’invente mes personnages, qui sortent tout droit de mon imagination.

Duane Michals

Né en 1932, Duane Michals est un photographe américain connu pour ses images séquentielles, fréquemment orientées sur les mythes et les mystères. On lui reconnaît également un talent créatif d’extension du potentiel de la photographie. Ce texte est une traduction d’un extrait de Duane Michals : Portraits, de Duane Michals. Avec l’aimable autorisation de Thames & Hudson Inc.

 

 

Duane Michals: Portraits 
Publié par Thames & Hudson
176 pages, 178 photographies
45,00 $

http://www.thamesandhudsonusa.com/books/duane-michals-portraits-hardcover

 

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