La maison Kapandji-Morhange rend hommage à Jean-Pierre Leloir (1931-2010), photographe de la scène musicale internationale. À travers le prisme de sa carrière, d’un éclectisme étonnant, la vente retrace quatre décennies majeures de l’histoire de la musique.
Entretien avec Marion Leloir
« Mon père était un Parisien de souche, d’un milieu plutôt aisé. La photographie était déjà présente dans la famille – l’un de ses grands-pères, notamment, était un bon amateur et développait lui-même ses clichés.
« Il a fait partie des Jeunesses Musicales de France et a étudié le piano. Je ne sais pas s’il a aimé jouer, mais il était tout le temps fourré à la salle Pleyel, juste en face de chez lui. Il a commencé à écouter du jazz chez les Scouts. Il en écoutait à la maison, ce qui déplaisait beaucoup à sa mère qui trouvait que cette musique donnait le cafard. Plus tard, Jean-Pierre dira fièrement d’elle qu’elle avait compris ce qu’était le blues ! Un jour, il a emprunté un appareil sans pellicule pour aller voir Duke Ellington à Chaillot ! La musique, c’était une vraie passion.
« Il a abandonné sa scolarité tumultueuse pour faire enfin ce qu’il voulait : il est entré comme stagiaire chez un photographe de mode. Rapidement, la photo lui est apparue comme le moyen de baigner en permanence dans l’univers qu’il adorait, celui de la musique.
« En 1951, une de ses photos a fait la couverture de Jazz Hot. Ensuite, il a beaucoup travaillé pour les maisons de disques. Il a illustré des centaines de pochettes. Les artistes venaient poser au studio, rue Notre-Dame-des-Victoires.
« Quand les vedettes du jazz débarquaient à Paris, il était dans leur vie vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il allait les chercher au Bourget, les accompagnait à l’hôtel, allait éventuellement se promener avec elles pour faire quelques photos, puis il assistait aux répétitions, aux concerts, enchaînait sur une session dans un club…
« Il a toujours été très respectueux des gens et en premier lieu des artistes qu’il photographiait. Il n’a jamais été un paparazzi passant outre les consignes. D’ailleurs, il n’a jamais employé les mots shooter ou voler en parlant de ses prises de vues. En fait, il n’a jamais considéré ces personnalités comme des icônes intouchables mais tout simplement comme des gens qui aimaient la musique qu’ils faisaient. Il a eu toutefois conscience, sur le tard, d’avoir été le témoin privilégié d’un âge d’or.
« Il aimait toutes les musiques. Et Dieu sait qu’on en écoutait, le spectre était infini ! Il avait tout de même des coups de cœur. Je me souviens par exemple qu’il avait flashé sur Jimi Hendrix, quand il l’a découvert en première partie de Johnny Hallyday. En 1966, il a cofondé Rock & Folk pour accompagner l’avènement du rock. Ça a été une part importante de sa carrière. Techniquement, c’étaient de drôles de défis. Il nous disait qu’un concert n’était bon que s’il y avait une bonne lumière ! À L’Olympia, il connaissait les machinistes et rentrait comme ça pour s’installer où il voulait !
« Mais il a aussi bien photographié la Callas ou Bob Marley en Jamaïque ! Il a aussi beaucoup photographié la musique classique. Il a été le photographe de l’Orchestre de Paris pendant un certain temps. À part Karajan qui lui a couru après pour le flanquer dehors, les musiciens étaient sensibles à sa discrétion !
« Il doit sa réputation d’emmerdeur à son combat en faveur des photographes. Il s’est engagé au sein de l’UPC (Union des Photographes Créateurs) pour obtenir le respect du droit d’auteur. Tout en n’étant pas imbu de lui-même, il s’est impliqué dans la défense du photographe comme artiste.
« C’était un homme généreux, très attentif à l’évolution de la société. Il n’a jamais porté de jugement global sur son parcours, si ce n’est de dire qu’il avait vécu les meilleures années du métier. C’est vrai qu’il a toujours su accompagner son époque. À aucun moment, il n’a posé ses valises pour devenir un vieux con. Il a toujours su repérer les nouveaux talents. »
VENTE AUX ENCHERES
Jean-Pierre Leloir, 40 ans de Photo en Musique
Exposition publique le 5 avril de 11h à 18h
Le mercredi 6 avril 2016 à 14h00
Drouot Richelieu – Salle 4
9, rue Drouot
75009 Paris
France
Expert : Pierre Bourdy
Kapandji Morhange
46 bis passage Jouffroy
75009 Paris
http://www.kapandji-morhange.com
Tél : 01 48 24 26 10
Pour voir le catalogue en ligne
http://www.kapandji-morhange.com/flash/index.jsp?id=25939&idCp=22&lng=fr