Au début des années 2000, Dominique Vautrin est envoyé à Belfast pour couvrir les Marches Orangistes.
Dans le train qui s’approche de la capitale amèrement polarisée de l’Irlande du Nord, il a, ce qu’il décrit comme une épiphanie: « j’ai tout de suite senti que j’avais à faire quelque chose d’essentiel ici« , quelque chose pourtant qui n’avait rien à voir avec le photojournalisme.
Hypnotisé par la ville grise, il quitte le photojournalisme en France, emballe ses appareils et loue une petite chambre miteuse à Belfast pour commencer son premier projet photo personnel. « Je suis resté coincé dans cette chambre pendant plus de deux mois sans pouvoir démarrer quoi que ce soit. Je savais que je devais être ici, c’était le premier pas vers quelque chose mais je ressentais aussi la hantise de la page blanche de l’écrivain« , se souvient-il. Ses notes dont on peut lire une partie sur son site, donne le ton: « Belfast. Une chambre de 7m2. J’ai marché sans but pendant des miles dans la ville. Perdu dans ma solitude. Bobines à terre. les semaines passent… » Jusqu’à ce moment où malade de sa propre compagnie, il décide de prendre la route et de biffer autant de villes qu’il peut sur une carte routière bon marché du Royaume Uni. « Sheffield, fish and chips au goût de mazout. poubelle. Limerick, quartier Moy Ross. Des heures sous un pont pour fuir la pluie mais je ne peux pas m’abriter de moi-même. Edinburgh, sexe et alcool, je vomis dans les draps. Déflagration de silence. Londres, plus de seringues entre Stockwell et Clapham North, des barricades en bois ont dit aux junkies d’aller se faire voir ailleurs. »
5 and d’errance de rue solitaire et cathartique plus tard, Vautrin sélectionne les 50 photographies noir et blanc qui composent la série « Holywood » (notez bien « L » unique). Les tons sombres, les contrastes durs de ses visions noir et blanc souvent floues sont l’exact opposé visuel de la célèbre série de Hollywood « Hustlers » de Phillip Lorca di Corcia dans les années 90, shootant ses sujets dans la lumière chaude, cinématographique de la Californie. Le travail de Vautrin est tout aussi cinématographique mais ses références sont dans un registre plus sombre, celui des films noirs américains des années 60.