Après avoir passé dix-huit ans chez Magnum, dont sept comme directrice du bureau de Paris, Diane Dufour, la directrice du Bal, à Paris, présente pour le 70e anniversaire de l’agence une exposition intitulée Magnum Analog Recovery. Elle nous emmène en ses lieux sur les traces de l’agence coopérative. Directrice du bureau de Magnum à Paris de 2000 à 2007, la fondatrice du BAL célèbre à sa façon les 70 ans de la coopérative. Visite guidée de l’exposition Magnum Analog Recovery au BAL avec Diane Dufour.
Vous avez dit Magnum ?
J’ai beaucoup appris au contact des photographes tout au long des années passées à Magnum. L’aventure du BAL doit beaucoup à un certain idéal représenté par Magnum à son meilleur, rendre compte de l’état du monde en inventant une forme. A l’occasion des 70 ans, les photographes et moi avons essayé de montrer Magnum autrement.
Comment ?
Magnum a été beaucoup publié, beaucoup exposé. La question était : quelle pierre ajoutée à l’édifice ? A ce moment de nos réflexions, a été rendu accessible un fonds baptisé Magnum Analog Recovery, le titre de l’exposition présenté au Bal : Analog, par opposition à digital parce qu’il est constitué de tirages de presse d’époque et Recovery qui signifie “récupéré”.
De quoi s’agit-il ?
Depuis une quinzaine d’années, Magnum a récupéré peu à peu les tirages conservés dans les archives de ses agents européens, en Allemagne, Suisse, Italie, Espagne, etc. qui appartiennent aux photographes. Depuis la création de l’agence, un sujet produit par un photographe est “distribué” aux agents comme un tout (des tirages numérotés accompagnés d’un titre, d’un texte et de légendes) pour être vendu à la presse de chaque pays. Dans les 30 premières années de Magnum, ces « distributions » sont composées de tirages cartoline noir et blanc souvent splendides qui constituent ce fonds, Magnum Analog Recovery.
Ce sont les tirages exposés au BAL ….
Oui, j’ai pu ainsi me concentrer sur les trente premières années de Magnum, c’est-à-dire sur la période fondatrice qui représente, à mon sens, un âge d’or. Au-delà des avancées fondamentales imposées à sa création par Magnum (le copyright, la propriété des négatifs, le contrôle éditorial…) se posent alors aux photographes les questions essentielles quant au choix des sujets, la distance par rapport aux évènements, le contrôle du support et des conditions de publication des images….. Des propos des photographes (Robert Capa, Henri Cartier-Bresson, Werner Bischof, Sergio Larrain ou Elliott Erwitt, Raymond Depardon, Josef Koudelka ou Gilles Peress) accompagnent la présentation pour la première fois de ces tirages au BAL et traduisent les doutes, les désaccords, les frustrations au sein du collectif mais aussi l’inspiration, les prises de risques, les hasards heureux qui ponctuent l’histoire de Magnum …..
Comment est structurée l’exposition ?
La première salle est consacrée aux années 50, l’Europe après la guerre, la création d’Israël, la guerre d’Algérie, le Ku Kux Klan, la formation des deux blocs…. En bas, le fil se poursuit avec la ségrégation aux Etats-Unis, Kennedy, la guerre du Vietnam… jusqu’aux années 70 et la révolution iranienne. La scénographie étonnante de Cyril Delhomme a été inspirée par les boîtes conservées à Magnum et classées par photographe. A l’intérieur de ces boîtes, les tirages sont en vrac. Parfois, pour un sujet, la meilleure image manque… C’est donc un fonds aléatoire. Nous n’avons pas essayé de reconstituer les histoires ni de compenser les images manquantes. Sans chercher à faire œuvre d’historien, nous avons opéré un choix très personnel parmi ces 80 000 tirages. Ont été privilégiées des images peu connues, jamais publiées ou exposées, qui dessinent finalement un Magnum plus complexe, plus ambigu. Finalement très tôt, les photographes envisagent de nombreuses postures contradictoires du métier de photographe (Cartier-Bresson) qui vont coexister, se développer au sein de Magnum et inspirer de nouvelles générations.
Propos recueillis par Sophie Bernard
Quelques citations présentes dans l’exposition :
« La guerre est terminée. Les quatre membres fondateurs de Magnum se retrouvent sans travail. Ils décident alors de créer un « club fraternel », une agence de presse qui exigerait des magazines de ne pas recadrer les images, de ne pas modifier les légendes, de rester fidèle à l’intention éditoriale du photographe. Désormais, ils décident de ne plus être dépendants des commandes d’un seul magazine, mais de vendre leurs reportages aux titres du monde entier : un plan grandiose pour des photographes au chômage. » – Cornell Capa
« Le métier de photographe, c’est d’être entre pickpocket et funambule. » – Henri Cartier-Bresson
« Le correspondant de guerre est plus gâté en alcool, en filles, en salaire et jouit d’une plus grande liberté, mais au moment critique, être libre de choisir son affectation, c’est-à-dire avoir la possibilité d’être un lâche sans être exécuté, est une torture. Le correspondant de guerre a son sort – et sa vie – entre ses mains, il peut parier sur ce cheval-ci ou là, ou remettre sa mise dans sa poche à la dernière minute. Je suis un joueur. Je décidai de partir avec la compagnie E dans la première vague. » – Robert Capa
Magnum Analog Recovery
Du 29 avril au 27 août 2017
Le Bal
6, Impasse de la Défense
75018 Paris
France
Livre
Magnum Analog Recovery
Publié par Le Bal
À voir aussi :
Dans le cadre de l’exposition, Paris Aéroport et Le Bal présentent Magnum Journey, en juin 2017 dans les terminaux de Paris-Orly et Paris-Charles de Gaulle