La troisième édition du Delhi Photo Festival présente une série d’expositions qui interrogent la société indienne, son histoire, ses codes, sa culture. Coup de projecteur sur quatre d’entre elles qui traduisent l’extrême richesse de ce pays et le talent des photographes à s’en emparer.
C’est un moment historique que le spectateur revit grâce à l’exposition Birth of a Nation, tirée des archives de Kishor Parekh sur la naissance, dans la souffrance, du Banglasdesh en 1971. Après avoir, entre autres, couvert la guerre sino-indienne de 1962, le conflit avec le Pakistan en 1965 et la famine au Bihar en 1967, ce grand photoreporter indien des années 60-70, livre un témoignage unique de la guerre de libération du Bangladesh qui s’étend de mars à décembre 1971. Déplacement de populations, atrocités contre les civils commises par la guérilla bengalie soutenue par l’armée indienne et par l’ennemi pakistanais, famines, mises à sac des villes et des villages : les photos de Kishor Parekh traduisent l’extrême violence qui a vu surgir la naissance du Bangladesh. Un des plus poignants et des plus riches témoignages photographiques d’un événement majeur de l’histoire contemporaine indienne.
Autre genre, autre sujet, The Others d’Olivier Culmann, nous invite à découvrir une galerie de portraits de l’homme de la rue en Inde. Au delà d’un catalogue de figures emblématiques de la société indienne ; le gourou, le jeune sikh urbain, le policier, le fonctionnaire bengali… Olivier Culmann questionne le regard du photographe sur ses sujets, la représentation de l’identité indienne mais aussi la sublimation de cette identité grâce à la technologie numérique qui permet de changer les corps, les accessoires, les coiffures. Il va même au-delà, en nous proposant des portraits reconstruits à partir de morceaux de photographies dont il a demandé à des photos studios de compléter les parties de visage manquantes. C’est donc une exploration complexe d’images de soi, tour à tour stéréotypées, détournées, fantasmées qu’il nous fait découvrir et partager dans The Others.
Avec Sarker Protick, nous repartons au Bangladesh à Dacca, pour découvrir l’univers de l’industrie du film. « Dhallywood » est à Dacca ce que Bollywood est à Bombay. Avec une centaine de films produits par an depuis les années 60, le cinéma de Dhallywood fondé sur des intrigues simples de bons et de méchants et d’histoires d’amour qui malgré les embûches se terminent toujours bien, a accompagné l’enfance et l’adolescence du jeune photographe et de nombreux jeunes bangladais. Dans Love me or Kill me, on découvre les couleurs pastelles des décors, des costumes brillants et colorés, une atmosphère étrange grâce aux effets spéciaux d’éclairage et ou de fumée. Sarker Protick nous entraine avec humour et poésie dans l’univers de ce cinéma décalé, à part, et très éloigné de la réalité du Bangladesh.
Enfin pour achever notre parcours, nous nous arrêtons devant les images de Karan Vaid. Le jeune photographe installé à Delhi, propose Best In Show, une exposition sur les concours de chiens en Inde. Introduits à la fin du XIXe siècle par les britanniques, ces concours continuent d’exister un peu partout dans le pays. Karan Vaid, suit le déroulement des compétitions avec ses longs moments d’attente sous les tentes ou près des voitures. Comme un paparazzi qui chercherait à capturer l’image de ses stars, il shoote avec grand renfort de flash les animaux, leurs maîtres et le public avec humour et dérision.
Cette troisième édition du Photo Festival de Delhi met l’accent sur la diversité des pratiques photographiques en Inde et sur la manière dont les jeunes photographes décalent leur regard en se détachant peu à peu d’une photographie purement documentaire. Une excellente édition qui donne toutes ses lettres de noblesse à la photographie indienne.
FESTIVAL
Delhi Photo Festival
Du 30 octobre au 8 novembre 2015
Delhi
Inde
http://www.delhiphotofestival.com
