Dans le cadre du Mois de l’Histoire des Femmes et pour célébrer la sortie de la monographie Deborah Turbeville : Photocollage, The National Arts Club de New York organisait le colloque “Deborah Turbeville and the Female Gaze” autour du regard des femmes et sur les femmes en photographie.
Défini pour la première fois par Laura Mulvey en 1975 dans son article Plaisir visuel et cinéma narratif, le concept de female gaze est apparu comme une rébellion face au male gaze. La critique de cinéma y dénonce la perspective masculine dans laquelle les femmes restent uniquement des objets passifs de désir. Le female gaze offre au contraire un portrait intime et une représentation plus authentique des femmes, sans hypersexualisation. Celui-ci devient un outil pour promouvoir l’égalité et l’inclusivité dans la représentation médiatique et remettre en question les rôles et stéréotypes de genre traditionnels.
Même si la photographie a historiquement été un médium accessible aux femmes (Anna Atkins, Julia Margaret Cameron, Berenice Abbott, Diane Arbus, Nan Goldin ou Francesca Woodman en tête), elles ont malgré tout rencontré plus de difficultés pour accéder à la reconnaissance que leurs homologues masculins. À l’image d’Adrianne Piper, Lorna Simpson, Lisette Model, Cindy Sherman, Lotte Jacobi, Claude Cahun, Wendy Red Star ou Shirin Neshat, ces artistes ont défendu une vision plus nuancée de la vie des femmes, reflétant leurs émotions, leurs vulnérabilités et leurs désirs en travaillant souvent en dehors du courant artistique dominant.
Une reconnaissance masculine tardive
Le travail de Deborah Turbeville reflète ainsi cette envie de travailler hors des sentiers battus, en explorant le “monde intérieur d’une femme », ce qui la connecte à d’autres pionnières féminines comme Lee Miller (photographe de guerre renommée mais aussi photographe de mode). D’un côté, le travail de Miller a été fortement influencé par le surréalisme alors que Deborah Turbeville est célébrée pour son utilisation de la photographie et du collage pour dépeindre le regard féminin, distinguant son travail de celui de ses homologues masculins qui, comme Helmut Newton et Guy Bourdi, ne l’ont pas reconnue à sa juste valeur.
Son approche a créé une expérience cinématographique dans chaque photographie, reflétant son intérêt pour la narration. Ses décors énigmatiques et ses impressions granuleuses et abîmées ont contribué à une atmosphère hantée et mystérieuse. L’approche innovante de Turbeville en photographie présente ainsi des parallèles avec des artistes comme Andy Warhol et Robert Rauschenberg et des cinéastes comme Wim Wenders et Sofia Coppola.
Elle s’est penchée sur l’identité féminine et la fantaisie, créant un « regard féminin » à la fois distinctif et influent. Ses écrits privés, y compris des détails de passeport, des notes de scénario et des livres maquettes de Polaroid, donnent un aperçu de son monde personnel et de son processus créatif. Le travail de Turbeville a ainsi été une force puissante dans l’offre d’une représentation plus inclusive et émancipatrice des femmes dans l’art.
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