Il y a 3 semaines, 2 merveilleux petits livres arrivèrent à la maison. Pas un mot, pas une carte pas un dossier de presse : rien. Sur l’enveloppe : un nom, Yellow Now et une adresse quelque part en Belgique. Bonjour Google ! Las ! on y apprenait certes que c’était une maison d’édition, mais qu’elle ne donnait aucune adresse email et que le téléphone ne prenait pas de message. Alors, bien entendu on s’accroche et on découvre un monsieur Guy Jungblut et ses livres. Le reste, c’est lui qui le raconte !
À l’origine de Yellow Now, il y a Yellow, une galerie d’art installée fin 1969 en Roture, à Liège, à l’initiative de Guy Jungblut. La première exposition est consacrée à Jacques Lizène, petit maître liégeois de la deuxième moitié du XXe siècle et parangon de l’art médiocre. C’était un assez bon début.
La galerie entendait promouvoir des artistes qui s’écartaient des supports traditionnels et exploraient la photographie, le livre, le cinéma, la vidéo (qui n’était encore que balbutiante). Elle exposera Ben, Nyst, Annette Messager, les Leisgen, Gerz, les Poirier, Gette, Charlier… En 1971, elle organise la première manifestation d’art vidéo en Belgique : Propositions d’artistes pour un circuit fermé de télévision.
En 1973, un premier « livre d’artiste » : Annette Messager, Mes clichés-témoins, se trouve à l’origine des éditions Yellow Now. Deux ans plus tard, dans l’indifférence, la galerie met la clé sous le pavé et Guy Jungblut entreprend de se consacrer essentiellement à l’édition : Bay, Gerz, Gette, Le Gac, Poirier, Nyst, Ransonnet, Lennep, Fernie – bref, quinze années d’édition de livres d’artistes.
À partir de 1988, sous l’impulsion de Patrick Leboutte, les éditions s’orientent vers le cinéma, avec d’abord la collection Long Métrage (dix-neuf titres : des Vacances de M. Hulot de Tati au Traité de bave et d’éternité d’Isidore Isou), que suivra dès 1990 une étroite collaboration avec la Cinémathèque française (notamment pour l’édition des dix-huit premiers numéros de la revue Cinémathèque, avec Dominique Païni). D’autres collections s’attachent à des réalisateurs peu diffusés, plus difficiles ou plus rares (Banlieues, dirigée par Charles Tatum, Jr : Freda, Trauberg, le Serial américain…) ou à des essais incisifs (De parti pris : Cinégénie de la bicyclette, Eloge de la pornographie, Pour le cinéma moderne). Des collaborations s’ébauchent encore avec différents festivals de cinéma (Locarno, Dunkerque). Dans cette veine, plusieurs encyclopédies seront coproduites : Une encyclopédie des cinémas de Belgique (avec le musée d’Art moderne de la Ville de Paris), Une encyclopédie du nu au cinéma (avec Le Studio 43 de Dunkerque, la Coursive de La Rochelle, Le Volcan du Havre…), Une encyclopédie du court métrage français (avec le Festival Côté court de Pantin).
Après une brève période de molle turbulence (due partiellement à une énième faillite de distributeur – il y en aura une dizaine en tout), Yellow Now dessine depuis 2000, avec la complicité d’Emmanuel d’Autreppe, une géométrie du hasard la plus irrégulière possible, un polygone fait de quelques côtés: Côté cinéma, Côté photo, Côté arts, A côté : quatre lignes de force.
Le « Côté cinéma » s’organise désormais autour de quatre grands axes: 1) Morceaux choisis : des recueils de textes critiques : François Albera, Raphaël Bassan ou Jean-François Rauger… ; 2) des essais collectifs sur des Auteurs : Melville, Fuller, Péléchian, Ford, Béla Tarr…, 3) des monographies sur des films : Côté films, qui reprend et prolonge le concept de l’ancienne collection Long Métrage. Trente-sept titres ont été publiés à ce jour : de Monika de Bergman (par Alain Bergala) à Agent X27 de Sternberg (par Gaël Lépingle), c’est une anthologie du cinéma qui s’esquisse ; 4) et la collection Motifs dont la modeste ambition est de s’attacher à constituer une iconologie, un inventaire des éléments divers qui semblent n’être que banal contexte, environnement ordinaire, mais qui font sens au cinéma.
Ainsi la neige, les nuages, le vent, mais aussi la lumière, le flou, le téléphone ou les cafés… autant de matières, de « motifs » que le cinéma enregistre et qui colorent, dramatisent, rendent lyriques ou dynamisent les récits.
Enfin, Yellow Now s’ouvre, bien plus largement qu’auparavant à la photographie, avec deux collections. La collection Angles vifs (dirigée par Emmanuel d’Autreppe) regroupe des photographes « de Belgique », au sens intensément vague et large du mot – tant sur le plan géographique que linguistique. Chaque ouvrage (le premier de son auteur) présente un travail photographique sous forme d’essai visuel (de manière précise, compilatoire ou focalisée mais cadrée sur le plan esthétique et thématique), accompagné de courts textes critiques ou d’entretiens. Sous un format et une ligne de couverture variables, chaque volume est conçu, pour sa forme et son contenu, dans une étroite et originale collaboration entre l’éditeur, le photographe et les auteurs. Il constitue le plus souvent une première expérience éditoriale et nourrit le projet d’ouvrir des yeux, des portes, des mondes, des langages… à angle vif.
Enfin, la collection Les carnets (initiée par Bernard Plossu et Guy Jungblut) se propose de revisiter les archives d’un photographe ou d’un collectionneur et d’en extraire des séries thématiques (des faits, des objets, des situations, des évocations…) et transversales (diverses époques, divers lieux, diverses techniques…) ; chaque volume est introduit par un texte du photographe ou d’un écrivain qui dialogue avec les images.
Deux titres de cette série viennent de paraître : Lire/Ecrire de Bernard Plossu et Lorsque tu me liras avec des photographies extraites de la collection de Véronique Marit. Ces deux ouvrages ont pour thème « la lecture » avec chacun un texte de Bernard Noël.
Deux autres titres sont actuellement à l’impression : Belleville sur un nuage d’Ivan Alechine (avec un texte de Pierre Alechinsky) et Karine – apparitions de Robert Cahen (introduit par Jean-Luc Nancy).
